Le Bal Des Maudits - T 1
pas de Laura résonner derrière lui. Elle courut à la radio et la ferma.
– Tu sais que je ne peux pas souffrir la musique d’orgue, dit-elle.
Sa voix était tremblante et pleine d’amertume.
Il fit volte-face. Elle était debout dans son ensemble de cotonnade imprimée, orange et blanche, et sa peau était brune et douce, entre la jupe et le boléro. Elle était très jolie, svelte et féminine dans sa robe d’été dernier cri, comme un modèle en couleurs de Vogue. Le visage amer, dur et sillonné de larmes, était choquant et saugrenu.
– C’est tout, dit Michael. C’est fini, nous deux. Et tu le sais.
– Ah oui ? merveilleux ! Tu ne pouvais pas m’annoncer de meilleure nouvelle !
– Pendant que nous y sommes, continua Michael, laisse-moi te dire que je suis à peu près sûr, au sujet de toi et de Moran. Je t’ai observée.
– Splendide ! s’exclama Laura. Je suis heureuse que tu sois au courant. Et laisse-moi te mettre l’esprit en repos. Tu n’as plus besoin d’en douter. Autre chose encore ?
– Non, dit Michael. Je vais attraper le train de cinq heures.
– Et ne te pose pas en modèle de vertu, continua Laura. Je sais quelques petites choses à ton sujet, aussi. Toutes tes lettres dans lesquelles tu me disais à quel point tu te sentais seul sans moi, à New York ! Avec ça que tu étais seul ! Je commençais à en avoir assez de revenir et d’être regardée avec compassion par toutes ces femmes ! Et quel jour as-tu rendez-vous avec M lle Freemantle ? Vous dînez ensemble mardi prochain ? Je peux aller lui dire que tes plans sont changés ! Tu peux aller la retrouver à partir de demain…
Sa voix était coupante et précipitée, son visage défiguré par la douleur et la colère.
– Assez ! dit Michael, le cœur serré, la conscience coupable. Je ne veux pas en entendre davantage.
– Pas d’autres questions ? cria Laura. Pas d’autres hommes sur lesquels tu désires être renseigné ? Pas d’autres suspects ? Je peux te dresser une liste, si tu veux.
Et, soudain, elle perdit contenance, s’effondra sur le canapé. « Un peu trop gracieusement, nota froidement Michael, comme l’ingénue au troisième acte. » Elle enfouit son visage dans les coussins et pleura. Elle avait l’air épuisée, à bout de forces, sanglotant sur le canapé, avec ses beaux cheveux étalés en éventail autour de sa tête, comme une frêle enfant dans sa robe du dimanche… Michael éprouva une violente impulsion de courir vers elle, et de la prendre dans ses bras, et de lui dire : « Baby, baby », doucement, et d’essayer de la consoler.
Il haussa les épaules et ressortit dans le jardin. Les invités s’étaient discrètement retirés à l’autre bout du jardin, loin de la maison. Ils formaient un groupe rigide, plein de gêne, dans leurs brillants vêtements d’été, contre l’arrière-plan vert et sombre. Michael les rejoignit, essuyant du revers de sa main la coupure qui saignait sur son front.
– Pas de badminton aujourd’hui, dit-il. Je crois que vous feriez mieux de partir. Ça n’a pas été le succès que nous espérions.
– Nous allions partir, répondit sèchement Johnson.
Michael ne leur serra pas la main. Il demeur a immobile, regardant sans les voir leurs visages faussement naturels. M lle Freemantle le regarda, une seule fois, et baissa les yeux en passant devant lui. Il entendit la barrière se refermer sur eux.
Il resta là, debout dans l’herbe fraîche. Sa coupure suintait, sous le soleil ardent. Les corbeaux discutaient entre eux, dans les branches, au-dessus de sa tête. Il détestait les corbeaux. Il se baissa, choisit soigneusement quelques lourds cailloux aux arêtes tranchantes. Puis il se redressa, cligna des yeux, dans le soleil, cherchant les corbeaux, à travers les branches. Il ramena son bras en arrière et lança sa première pierre vers un groupe de trois corbeaux. Il éprouva une sensation de vigueur insolite, et la pierre chanta, meurtrière, parmi les feuillages opaques. Il lança une seconde pierre, puis une autre, une autre, de plus en plus vite. Les oiseaux s’enfuirent, alertés. Michael jeta, sauvagement, sa dernière pierre au milieu des ailes battantes. Ils disparurent dans les bois. Le silence régna dans le jardin, le silence léthargique et lourd de cette fin cruelle d’un doux après-midi d’été.
6
N OAH était nerveux. C’était la première party qu’il
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