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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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d’eux. Michael se leva, marcha jusqu’au petit pont et contempla un instant l’eau brune de la rivière. Si les huit cents Allemands avaient l’intention de contre-attaquer, qu’ils le fassent maintenant, pensait-il. Ou mieux, si la compagnie de travail et Pavone pouvaient avoir la bonne idée de se montrer enfin… Une guerre était plus supportable lorsqu’on était entouré de centaines d’autres soldats et que les responsabilités reposaient sur d’autres épaules, et que des esprits entraînés à ce genre d’exercice s’occupaient quelque part de résoudre vos problèmes. Ici, sur le vieux pont moussu, au-dessus de la petite rivière anonyme, dans une ville silencieuse et oubliée, on avait le sentiment d’avoir été abandonnés, et que personne ne broncherait si les huit cents Allemands se décidaient à revenir et vous abattaient sur place, et que tout le monde se moquait que vous les combattiez, que vous vous rendiez sans combattre, ou que vous preniez la fuite à leur ap proche… « C’est presque comme dans la vie civile, pensa Michael en souriant, tout le monde se fout de votre vie comme de votre mort…
    « Je donne à Pavone et à sa compagnie de travail trente minutes encore pour arriver, songea-t-il. Si, dans une demi-heure, ils ne sont pas là, je file, et je rejoins la première unité américaine qui me tombe sous la main. »
    Il leva les yeux vers le ciel. Juste aujourd’hui, il fallait qu’il soit gris et couvert, et les nuages bas et lourds avaient quelque chose de menaçant. Et le temps avait été si beau, jusqu’alors. Le soleil lui portait chance. Il était normal qu’on le rate. Et quand la Jeep avait été mitraillée et qu’il avait plongé dans le fossé, par-dessus le caporal de la division blindée (mort à présent) qui était alors avec eux, il avait toujours su qu’ils le rateraient, et ils l’avaient raté… Et quand le P. C. régimentaire avait été bombardé par l’artillerie, dans les environs de Saint-Malo, et que le général en visite s’était mis à hurler, dans la pièce pleine de téléphonistes frénétiques : « Que diable fabrique ce salaud, dans le « Mouchard ? » Pourquoi n’a-t-il pas encore signalé cette batterie ? Dites-lui de la repérer immédiatement ! » même alors, tandis que la maison tremblait sous les obus, et que les hommes s’enfonçaient dans leurs trous, à l’extérieur, il avait toujours su qu’il s’en tirerait indemne…
    Mais, aujourd’hui, c’était différent. Il n’y avait pas de soleil, et il ne se sentait pas en veine.
    Finis, l’avance ensoleillée, la petite fille chantant la Marseillaise dans un bar, la parade spontanée des habitants de la petite ville de Miniac, quand le premier fantassin l’avait traversée ; les bouteilles de cognac gratuites, à Rennes ; les nonnes et les petits enfants alignés le long d’un mur, près du Mans ; la troupe de boy-scouts aux visages sérieux, rencontrée le dimanche, non loin d’Alençon ; les familles qui se baignaient obstinément sur les rives de la Vilaine ; les signes V, les bannières, les F. F. I. imbus de leur importance, avec leurs prisonniers. Tout cela n’était plus que souvenirs d’une autre époque. Aujour d’hui commençait une époque nouvelle, grise, sans soleil et sans chance…
    –  Oh, et puis, après ?… grogna Michael en se tournant vers Keane. On va pousser une pointe en ville et voir ce qui s’y passe.
    Keane arbora un sourire radieux.
    –  O. K., frangin, dit-il, en rangeant son bloc. Tu me connais. J’irais n’importe où.
    « Le salaud, pensa Michael, je parierais qu’il est sincère. »
    Michael s’approcha de Stellevato et frappa sur son casque. Stellevato gémit doucement, perdu dans quelque songe immoral de glacier en tournée.
    –  Laissez-moi dormir, marmotta Stellevato.
    –  Allons ! allons ! insista Michael. Viens, on s’en va gagner la guerre.
    Les deux soldats sortirent de leur trou.
    –  Vous nous laissez seuls ici ? les accusa le petit homme.
    –  Deux des soldats les mieux nourris, les mieux entraînés, les mieux équipés du monde, dit Michael, doivent pouvoir tenir tête à huit cents misérables Fritz.
    –  Comme c’est malin, protesta le petit homme. Nous laisser seuls ici comme ça.
    Michael monta dans la Jeep.
    –  Ne vous inquiétez pas, dit-il. Nous allons juste faire un tour en ville. Si vous manquez quoi que ce soit d’intéressant, nous reviendrons vous

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