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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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tuberculose, avant la guerre, m’a-t-il dit. Il m’a dit de ne pas tenir compte des paroles de Johnny. L’obus a brisé l’épine dor sale de Johnny, et son système nerveux a dégénéré, m’a dit le docteur, et il n’y a plus rien à y faire.
    « Le système nerveux a dégénéré, répéta Noah, horriblement fasciné par le mot, et ça ira de pis en pis, jusqu’à sa mort. Un paranoïaque, m’a dit le docteur ; l’obus a fait de lui un paranoïaque au dernier degré, en une journée. Folie des grandeurs, manie de la persécution. Il mettra peut-être encore trois jours à mourir, m’a dit le docteur et, quand il mourra, il sera complètement fou… C’est pourquoi ils ne prendront même pas la peine de le renvoyer dans un hôpital de l’arrière. Avant de partir, j’ai rejeté un coup d’œil dans la tente. Je pensais qu’il pourrait peut-être avoir une période de calme. Le docteur m’avait dit que c’était encore possible. Mais, quand il m’a vu il s’est remis à crier que je voulais le tuer… »
    Côte à côte, Michael et Noah se tenaient adossés au mur pelé, humble et froid, du P. C., derrière lequel le capitaine Green cherchait un moyen de prévenir les pieds gelés parmi ses hommes. Au loin, l’incendie s’élevait de plus en plus ardemment, à mesure que les flammes s’attaquaient plus profondément aux poutres et aux possessions du fermier allemand.
    –  Je t’ai parlé de l’idée fixe qu’avait Johnny, à notre sujet, dit Noah. Il était persuadé que rien ne nous arriverait si nous restions ensemble…
    –  Oui, dit Michael.
    –  Nous en avons tant vu ensemble ! dit Noah. Nous avons été coupés, tu sais, et nous nous en sommes tirés, et nous n’avons pas été touchés, dans la péniche de débarquement, le jour J, ni quand nos propres avions nous ont bombardés par erreur…
    –  Oui, dit Michael.
    –  Si je m’étais pressé davantage, dit Noah, si j’étais arrivé ici un jour plus tôt, Johnny Burnecker serait sorti vivant de la guerre.
    –  Ne dis pas de sottises, coupa vivement Michael, en pensant : « Le poids devient trop lourd pour lui. Il ne pourra jamais en porter davantage. »
    –  Je ne dis pas de sottises, répondit calmement Noah. Je n’ai pas fait assez vite. J’ai pris mon temps. Je suis resté cinq jours au dépôt de reclassement. J’ai attendu d’avoir parlé à ce Péruvien, alors que je savais qu’il ne ferait jamais ce que je lui demanderais. Mais j’ai attendu. J’ai manqué de courage…
    –  Noah, ne parle pas comme ça !
    –  Et nous avons mis trop longtemps à venir, continua Noah, sans s’occuper de Michael. Nous nous sommes arrêtés la nuit, et nous avons gâché un après-midi sur ce dîner où le général nous a fait manger du poulet. J’ai laissé mourir Burnecker pour manger du poulet.
    –  Ferme-la ! cria Michael.
    Il prit Noah par les épaules et le secoua violemment :
    –  Ferme-la, je te dis ! Tu parles comme un imbécile ! Que je ne t’entende plus dire des choses pareilles !
    –  Lâche-moi, dit Noah, calmement. À bas les pattes. Excuse-moi. Je n’ai aucun droit de t’empoisonner l’existence avec mes histoires. Excuse-moi.
    Lentement, Michael le lâcha. « J’aurais pu faire mieux pour lui, pensa-t-il. Cette fois encore, j’aurais pu l’aider davantage… »
    Noah se recroquevilla dans ses vêtements.
    –  Il fait froid, dit-il d’un ton enjoué. Rentrons.
    Michael le suivit à l’intérieur du P. C.
    Le lendemain matin, Green les affecta à leur vieux peloton, celui dans lequel ils avaient été ensemble en Floride. Il y avait encore trois hommes, sur quarante, du peloton original. Ils accueillirent Noah et Michael avec une cordialité réchauffante et se montrèrent fort délicats lorsqu’ils parlèrent devant Noah de Johnny Burnecker.

36
     
     
     
    ALORS, y-z-ont demandé au G. I. : « Qu’est-ce que tu ferais si on te renvoyait chez toi ? » disait Pfeiffer.
    Lui, et Noah, et Michael étaient assis contre un mur de pierre, sur une bûche à demi immergée, penchés sur leurs plateaux à compartiments, dans lesquels, malgré leurs efforts, se mélangeaient, parmi les spaghetti, la sauce de leurs boulettes de viande et le jus de leurs pêches de conserve. C’était le premier repas chaud qu’on leur servait depuis trois jours, et tout le monde était content des cuisiniers qui avaient amené la roulante si près du front. Les hommes faisaient la

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