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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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déjeuna à son club, se fit conduire à sa base et monta dans son Liberator, pour l’une de ses habituelles patrouilles de repérage d’unités sous-marines. L’appareil décolla vira vers le sud, en direction du golfe de Biscaye, et jamais personne ne réentendit parler de lui.
    Un homme de la défense passive découvrit une petite fille brune de sept ans, en dégageant l’entrée d’un ?
    cave dans laquelle la petite fille avait été emmurée par une bombe huit jours auparavant.
    Un caporal de l’armée américaine salua cent onze fois en traversant Grosvenor Square à l’heure du déjeuner.
    Un artificier écossais allongea le bras entre deux poutres métalliques entrecroisées et enleva lentement l’amorce d’une bombe de cent kilos qui n’avait pas éclaté la veille. Il y avait quarante-cinq minutes que la bombe faisait un curieux bruit d’horlogerie.
    Un poète américain, âgé de vingt-cinq ans, à présent sergent dans le génie, profita d’une permission de trois jours pour venir à Londres, traversa lentement l’abbaye de Westminster, remarqua qu’il y avait là davantage de place consacrée aux restes d’une noblesse obscure qu’à toute la compagnie des Keats, Byron, Shelley, etc… et pensa que, s’il y avait à Washington une abbaye de Westminster, il y aurait là-bas plus de Gould que de Whitman, plus de Harriman que de Thoreau.
    La plaisanterie suivante, au sujet des Américains :
    « Que reprochez-vous aux Américains ?
    –  Rien, sinon qu’ils sont trop payés, trop nourris, trop bien habillés, trop fortement sexués, et trop nombreux en Angleterre », fut répétée cent vingt rois au cours de cette seule journée.
    La mère des trois petits enfants, dont le père était, au même instant accroupi au fond d’un trou au sud d’Anzio, sous le feu d’un mortier allemand, fit la queue une heure trois quarts, revint chez elle avec une livre de haddock séché et plein d’arêtes. Elle songea fortement à tuer ses enfants, puis réfléchit et fit un ragoût avec le poisson, une pomme de terre et un peu de farine de soja.
    Un comité d’officiers de hauts grades se réunit pour discuter d’un projet de film devant être pris sur le vif lors de l’invasion de l’Europe, et qui ferait clairement ressortir l’esprit d’équipe et la collaboration de tous à l’œuvre commune. Le représentant de la R. A. F. se prit de querelle avec le représentant des Forces terriennes britanniques, le représentant de la 8 e armée de l’Air se prit de querelle avec le représentant de la Marine américaine, le représentant des Services de ravitaillement se prit de querelle avec le capitaine qui représentait la Surveillance des côtes, et tous décidèrent que l’affaire serait renvoyée devant un Comité encore plus haut placé qu’eux-mêmes dans la hiérarchie militaire.
    À midi, une seconde escouade de soldats britanniques, employés des bureaux de Berkeley Square, fut aperçue pratiquant le maniement de la baïonnette parmi les abris antiaériens et les troncs d’arbres morts, tandis que d’autres employés s’asseyaient sur les bancs glacés et mangeaient leur déjeuner au soleil.
    Un comité britannique mit au point un rapport soigneusement étudié prouvant que les bombardements diurnes des Américains ne servaient qu’à gâcher du matériel et l’envoya au quartier général.
    Les premières jonquilles apparurent sur des brouettes au coin des rues, et l’on vit des gens aux vêtements rapiécés s’arrêter avec des mines nostalgiques, acheter les bouquets de fleurs frêles et les emporter avec eux à leurs bureaux ou dans leurs foyers.
    Au concert donné dans la Galerie nationale, un trio joua des œuvres de Schubert, de Walton et de Bach.
    Près de Whitechapel, une palissade sur laquelle avait été peint en 1942 : « Ouvrez le second front maintenant », fut abattue et transformée en bois à brûler.
    Dans l’estuaire de la Tamise, un capitaine de la marine marchande de Seattle pria qu’il y ait un raid la nuit suivante, parce que sa femme attendait un autre bébé dans deux mois et qu’il avait un boni pour chaque raid subi par son bateau pendant qu’il était dans le port.
    Enfin… quatre millions d’âmes se rendirent dans les bureaux, les usines, les entrepôts, et lentement, sûrement, méthodiquement, sans négliger de s’arrêter à dix et quatre heures pour boire le thé, additionnèrent raccommodèrent, assemblèrent, portèrent,

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