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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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trièrent, limèrent, dactylographièrent, polirent, cousirent, firent et défirent. Ils réalisèrent toutes ces activités disparates avec une compétence intelligente et lente qui irrita les Américains chaque fois qu’ils entrèrent en contact avec eux. Plus tard, ils rentrèrent chez eux, et quelques-uns moururent au cours de la nuit suivante, toujours avec la même froideur, la même intelligence, la même dignité.
    Quatre jours après l’ouverture de Hamlet, Michael tut convoqué dans la salle du rapport de la Compagnie des Services spéciaux de laquelle il dépendait pour ses quartiers et sa nourriture et s’entendit déclarer qu’il avait ordre de se présenter au Dépôt de Reclassement d’Infanterie de Lichtfield. Il avait deux heures pour se préparer au départ.

23
     
     
     
    L a péniche de débarquement décrivait sans arrêt le même cercle monotone. Les embruns embarquaient par paquets et roulaient sur le pont glissant. Accroupis, les hommes tentaient de protéger leurs armes de l’humidité. Les péniches tournaient ainsi, à un mille de la plage, depuis trois heures du matin. Il était sept heures et demie, maintenant, et il y avait belle lurette que personne ne parlait plus. Le tir de barrage préliminaire des unités navales était presque terminé, ainsi que le simulacre d’attaque aérienne. L’écran de fumée tendu devant eux par un Cub volant bas commençait à se déposer à la surface de l’eau. Tout le monde était humide, tout le monde avait froid, et, en dehors de ceux qui avaient le mal de mer, tout le monde avait faim.
    Noah était heureux.
    Accroupi à la proue de la péniche, maintenant tendrement au sec les charges de T. N. T. qui constituaient l’essentiel de sa mission, sentant les embruns de la mer du Nord s’écraser sur son casque et respirant l’air sauvagement acéré du matin, Noah était parfaitement heureux.
    C’était l’exercice final de son régiment. La répétition générale en costumes, avec soutiens maritime et aérien, et munitions réelles, du débarquement sur les côtes d’Europe. Pendant trois semaines, ils l’avaient pratiqué, par équipes de trente hommes – une équipe par blockhaus – comprenant des fusiliers, des porteurs de tubes lance-grenades, des porteurs de lance-flammes, des artificiers. La dernière répétition avant la première et unique représentation. Et il y avait la permission de trois jours, qui, telle une promesse de Paradis, attendait Noah dans la salle du rapport.
    Burnecker était vert. Ses grandes mains de fermier se cramponnaient convulsivement à son fusil, seul point fixe dans cet univers mouvant et, de temps à autre, il souriait faiblement à Noah.
    –  Sacré nom d’un chien ! disait-il, j’ai sûrement pas le pied marin.
    Noah lui sourit. Il commençait à bien connaître Burnecker, depuis trois semaines qu’ils travaillaient ensemble.
    –  Ce ne sera pas long, maintenant, dit-il.
    –  Comment te sens-tu ? s’informa Burnecker.
    –  O. K„ dit Noah.
    –  Sacré nom d’un chien ! j’échangerais bien ton estomac contre une hypothèque sur les quatre-vingts acres de la ferme paternelle…
    Il y eut, sur l’eau limoneuse, toute une confusion de voix amplifiées. La péniche vira, prit de la vitesse, fonça vers la plage. Noah s’aplatit contre la paroi d’acier, prêt à sauter lorsqu’elle s’abattrait. « Peut-être, pensait-il, tandis que les vagues frappaient la péniche avec une force croissante, peut-être y aura-t-il un câble de Hope, au camp, m’annonçant que tout s’est bien passé. Plus tard, pensa-t-il, plus tard, je dirai à mon fils : « Le jour de ta naissance, je débarquais sur une plage d’Angleterre avec dix kilos de dynamite. » Noah sourit. Il aurait mieux valu, évidemment, qu’il soit avec Hope aujourd’hui, mais cet éloignement avait tout de même ses avantages. Il était trop occupé pour songer à s’inquiéter vraiment. Et il évitait, ainsi, les pas anxieux de long en large, dans un couloir blanc, les cigarettes trop nombreuses, les cris dont on appréhende le renouvellement.
    C’était égoïste, bien sûr, mais à quoi bon manquer de franchise ?
    La péniche échoua sur la plage, et, une seconde plus tard, la paroi d’acier s’abattit. Noah sauta. Son équipement lui martelait le dos et les flancs, et l’eau s’engouffra rapidement par-dessus ses leggins, mais il courut de toutes ses forces et s’aplatit derrière une petite dune. Les

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