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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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vivent ni s’ils parlent pour les berceaux ou pour les tombes… Parfois, en baissant les yeux vers mes paroissiens, je vois des visages morts depuis cinquante ans, et je parle pour eux, jusqu’à ce que je me souvienne. Quel âge avez-vous, mon fils ?
    –  Vingt-trois ans, dit Noah.
    –  Vingt-trois ans, répéta le prêtre. Vingt-trois ans…
    Il leva la main, toucha la joue de Noah.
    –  Un visage vivant, dit-il. Vivant. Je prierai pour votre sauvegarde, mon fils.
    –  Merci, mon capit…, mon Père, dit Noah. Dans l’armée, les aumôniers sont généralement capitaines, expliqua-t-il, vaguement gêné et vexé de sa méprise.
    –  Mon capitaine, dit le prêtre. Ils vous apprennent ça, dans l’armée ?
    –  Oui, mon père, dit Noah.
    –  Quelle horreur, dit le prêtre. Oh ! Dieu, que je déteste les armées !
    Il cligna des yeux, parut oublier un instant à qui il avait à faire et jeta autour de lui un regard vague.
    –  Revenez, un dimanche, dit-il, d’une voix soudain très lasse : peut-être aurons-nous de nouvelles fenêtres.
    Il se détourna, d’un seul coup, et disparut dans les ombres de la nef.
    En rentrant au camp, Noah trouva un câble. Il avait mis sept jours à lui parvenir. Il l’ouvrit maladroitement ; son sang battait follement dans ses tempes et ses poignets.
    « Un garçon, lut-il. Six livres et demie. Je suis très bien. Je t’aime. Je t’aime. Hope. » Il sortit en trébuchant de la salle du rapport. Après le souper, il distribua ses cigares. Il prit soin d’en offrir à tous les hommes avec lesquels il s’était battu, en Floride. Brailsford manquait. Il avait été retransféré aux États-Unis. Mais tous les autres les acceptèrent avec une sorte de timidité surprise et le félicitèrent cordialement, en lui serrant la main, comme si, loin de chez eux, sous le fin crachin anglais, parmi les instruments de destruction, eux aussi partageaient l’émerveillement d’être père. – Un garçon, dit Donnelly, poids lourd des Gants d’or, et porteur de lance-flammes, en écrasant la main de Noah dans sa terrible poigne. Un garçon ! vous vous rendez compte ! J’espère que ce gaillard-là n’aura jamais à porter le même uniforme que son paternel. Merci, Noah, conclut-il en reniflant le cadeau, merci mille fois. C’est un cigare formidable.
    Au dernier moment, Noah ne put se résigner à offrir un cigare au sergent Rickett et au capitaine Colclough. Il en donna trois à Burnecker, en fuma un lui-même, le premier de sa vie, et s’endormit, heureux et légèrement malade, d’un sommeil que troublèrent des visions nébuleuses.

24
     
     
     
    LA porte s’entrouvrit, et Gretchen Hardenburg apparut, enveloppée d’un ample peignoir gris.
    –  Oui ? dit-elle. Qui est là ?
    –  Bonjour ! dit Christian en souriant. Je viens d’arriver à Berlin.
    Gretchen ouvrit un peu plus la porte et l’examina attentivement.
    –  Oh ! dit-elle, au bout d’un instant, Le sergent…
    Elle ouvrit la porte toute grande, mais avant que Christian ait pu l’embrasser, elle lui tendit la main. Sa main était osseuse et tremblait imperceptiblement, comme agitée par quelque fièvre intérieure.
    –  C’est à cause de la lumière du couloir, s’excusa-t-elle. Et tu as tellement changé.
    Elle recula, l’examina d’un œil critique.
    –  Tu as beaucoup maigri. Et ton teint…
    –  J’ai eu la jaunisse, coupa Christian.
    Il détestait son teint et n’aimait pas qu’on lui en parle. Ce n’était pas ainsi qu’il avait imaginé sa première minute avec Gretchen, sur le seuil de la porte, et discutant de son teint.
    –  La malaria et la jaunisse. C’est pourquoi je suis à Berlin. En permission de maladie. Je viens juste de débarquer du train. C’est chez toi que je suis venu en premier…
    –  Comme c’est flatteur, minauda automatiquement Gretchen, en repoussant en arrière ses cheveux non coiffés. Très gentil à toi d’être venu…
    –  Tu ne me demandes pas d’entrer ? dit Christian.
    « Je l’ai à peine revue que je recommence à mendier »,
    pensa-t-il amèrement.
    –  Oh! excuse-moi.
    Gretchen émit un rire aigu.
    –  Je faisais un somme, et je ne suis pas encore très bien éveillée. Entre donc…
    Elle referma la porte derrière lui et pressa familièrement son bras. « Tout n’est peut-être pas perdu », pensa Christian, en entrant dans la pièce. Rien n’avait changé ici, ou si peu de chose. « Peut-être

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