Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
a-t-elle été surprise, au début, et maintenant elle va se reprendre. »
    Une fois dans le salon, il fit un geste vers elle, mais elle feignit de ne rien voir, se détourna, alluma une cigarette et s’assit.
    –  Assieds-toi, assieds-toi, dit-elle. Mon joli sergent. Je me suis souvent demandé ce qui t’était arrivé.
    –  Je t’ai écrit, dit Christian en s’asseyant. Mais tu n’as jamais répondu.
    –  Oh ! les lettres…
    Gretchen fit une grimace et agita sa cigarette.
    –  C’est toujours le temps qui manque. J’ai toujours l’intention de répondre à toutes, et, finalement, je les brûle…, c’est absolument impossible… Mais j’ai beaucoup aimé tes lettres, sincèrement. C’est affreux, ce qu’ils t’ont fait subir en Ukraine…
    –  Je n’ai jamais mis les pieds en Ukraine, dit calmement Christian. Je suis allé en Afrique et en Italie.
    –  Bien sûr! bien sûr! dit Gretchen, nullement embarrassée. Tout va bien en Italie, n’est-ce pas. Heureusement qu’il y a ça pour nous remonter le moral.
    Christian se demanda par quel miracle d’optimisme Gretchen pouvait estimer que tout allait bien en Italie, mais il ne dit rien et se contenta d’observer étroitement Gretchen. Elle paraissait beaucoup plus vieille, surtout dans son peignoir gris et froissé ; ses yeux étaient rouges et gonflés, ses cheveux ternes ; ses gestes, autrefois si jeunes et si énergiques, étaient à présent incertains, nerveux, exagérés.
    –  Je t’envie d’être en Italie, disait-elle. Berlin devient impossible. Impossible de se chauffer, impossible de dormir la nuit, avec tous ces raids, impossible de se déplacer. J’ai essayé de me faire envoyer en Italie, rien que pour avoir plus chaud…
    Elle rit, et son rire contenait une sorte de gémissement.
    –  J’ai réellement besoin de vacances, continua-t-elle. Tu n’as aucune idée de la dureté de notre travail et des conditions dans lesquelles nous travaillons. Je disais encore aujourd’hui à mon chef de section que, si les soldats devaient se battre dans de telles conditions, ils ne tarderaient pas à se mettre en grève…
    « Merveilleux, pensa Christian, elle m’ennuie. »
    –  Oh! je me souviens, dit Gretchen. La compagnie de mon mari. C’est cela. Le coupon de dentelle noire. Elle m’a été volée l’été dernier. Tu n’as aucune idée de la malhonnêteté qui règne maintenant à Berlin. Si l’on ne surveillait pas les femmes de ménage…
    « Cancanière, par surcroît, pensa Christian. C’est complet. »
    –  Je ne devrais pas parler ainsi à un soldat en permission, reprit Gretchen. Tous les journaux sont pleins de louanges sur la bravoure du peuple de Berlin, sur sa façon héroïque de tout supporter sans dire mot ; mais il est inutile de jouer la comédie. Dès que tu sors dans la rue, tu entends tout le monde se plaindre. Tu n’as rien rapporté d’Italie ?
    –  Pardon ? demanda Christian, interloqué.
    –  Quelque chose à manger, précisa Gretchen. Presque tous reviennent d’Italie avec du fromage ou un ou deux de ces merveilleux jambons italiens, et je pensais que tu aurais pu…
    Elle lui sourit avec coquetterie, se pencha en avant, d’un geste plein d’intimité. Son peignoir s’entrouvrit, révélant la ligne toujours gracieuse de ses seins.
    –  Non, dit sèchement Christian, je n’ai rien rapporté d’Italie, excepté ma jaunisse.
    Il se sentait fatigué et un peu perdu. Tous les plans qu’il avait dressés pour sa permission à Berlin avaient été centrés sur Gretchen, et maintenant…
    –  Nous avons assez à manger, bien sûr, ajouta Gretchen d’un ton officiel, mais un peu de variété…
    « Oh, Dieu ! gémit intérieurement Christian, je suis là depuis deux minutes, et nous parlons des difficultés du ravitaillement ! »
    –  As-tu des nouvelles de ton mari ? demanda-t-il brusquement.
    –  Mon mari ? dit Gretchen.
    Elle hésita, comme si elle regrettait de devoir abandonner le chapitre de la nourriture.
    –  Je te croyais au courant. Il s’est tué.
    –  Quoi ?
    –  Il s’est suicidé, dit Gretchen. Avec un couteau de poche.
    –  Ce n’est pas possible, chuchota Christian, parce qu’il semblait impossible, en effet, que toute énergie sauvage et sévèrement contrôlée, toute cette force froide et calculatrice se fussent détruites elles-mêmes. Il avait tant de projets !…
    –  Je les connais, ses projets, protesta Gretchen. Il

Weitere Kostenlose Bücher