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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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large gorgée de calvados. L’alcool était brut et chaud et lui brûla férocement la gorge, mais, au bout de quelques minutes, il se sentit confiant et fort, et, regardant, les yeux mi-clos, les douze rescapés de sa compagnie, il pensa, vaguement : « Mes salauds, je vais vous faire combattre, moi, mieux que toute une compagnie de troupes d’élite.
    –  Encore une gorgée ! cria-t-il. Encore une gorgée avant le commencement de la fête !
    Ils burent. Puis, en file indienne, marchant dans le fossé, le long des haies vives qui bordaient les champs, ils partirent, Christian en tête, dans la direction de la fusillade.
    Ils avancèrent rapidement pendant une dizaine de minutes, s’arrêtant chaque fois qu’ils parvenaient à l’extrémité d’un champ ou à la lisière d’une des étroites sentes bordées de haies touffues. Alors, Christian ou l’un des autres se glissait à travers la haie, s’assurait que la voie était libre et faisait signe aux autres de le rejoindre. Les hommes se conduisaient bien. Le calvados, pensa cyniquement Christian, n’avait pas tardé à produire son effet. Ils étaient tendus et sur le qui-vive, mais parfaitement maîtres d’eux-mêmes, et leur fatigue avait disparu. Ils obéissaient promptement aux ordres, ne craignaient pas de prendre des risques et s’abstenaient de tirer à tort et à travers. Pas un, même, ne riposta lorsqu’une mitrailleuse allemande envoya, par erreur, une rafale de projectiles dans les arbres au-dessus de leurs têtes.
    S’ils pouvaient rejoindre leur quartier général régimentaire, pensa Christian – si toutefois il y avait encore un quartier général régimentaire – et être réaffectés à une unité organisée, sous le commandement d’officiers compétents, ils auraient pleinement fait leur devoir, dans la limite de leurs possibilités.
    Puis ils tombèrent dans un piège. Cachée dans un fossé, à l’encoignure d’une haie, une mitrailleuse invisible ouvrit d’un seul coup le feu sur eux et, avant qu’ils aient pu se mettre à couvert, deux hommes avaient été touchés. L’un d’eux, un petit homme triste, d’un certain âge, avait reçu une balle dans la mâchoire ; la partie inférieure de son visage n’était plus qu’une masse sanguinolente, et il émettait toutes sortes de fruits disgracieux, essayant de ne pas se laisser étouffer par son propre sang. Christian aida à le panser, mais l’homme saignait si abondamment que personne ne pouvait rien faire de plus pour lui.
    –  Restez ici, dit Christian aux deux blessés. Vous êtes bien abrités. Nous reviendrons vous chercher dès que nous aurons trouvé le régiment.
    Il essayait de s’en persuader lui-même, bien qu’il fût certain de ne jamais revoir ces deux hommes.
    L’homme à la mâchoire fracassée émit une série de bruits implorants, derrière son bandage imbibé de sang, mais Christian n’en tint aucun compte. Il fit signe aux autres de repartir. Personne ne bougea.
    –  Allons, dit Christian. Plus vite nous nous déplaçons, plus nous avons de chances de nous en tirer. Si nous restons immobiles, nous sommes cuits…
    –  Écoutez, sergent, dit Stauch, sans bouger. A quoi bon nous leurrer encore ? Nous sommes coupés de tout, nous sommes cernés par une division américaine et nous n’avons pas une chance au monde de nous sauver… En outre, ces deux hommes vont mourir si nous ne pouvons les faire soigner immédiatement. Si vous voulez, je me porte volontaire pour traverser cette haie avec un drapeau au bout de mon fusil et arranger notre reddition…
    Il s’arrêta, sans oser regarder Christian.
    Christian regarda les autres. La pâleur de leurs visages, l’expression de leurs yeux fixés, par-dessus le bord du fossé, sur tout ce qui, alentour, pouvait receler un danger quelconque, prouvait que l’ardeur temporaire insufflée dans leurs veines par le calvados s’était évaporée pour ne plus revenir.
    –  Je tuerai moi-même le premier qui traversera cette haie, dit paisiblement Christian. Pas d’autres suggestions ?
    Personne ne répondit.
    –  Nous allons trouver le régiment, dit Christian d’un ton ferme. Stauch, prenez la tête de la procession. J’assure l’arrière-garde et je vous surveille tous. Rampez dans les fossés, de ce côté-ci de la haie. Rampez le plus bas possible, et vite ! En avant.
    Son Schmeisser prêt à tirer. Christian regarda les dix hommes se mettre à ramper dans le fossé. Le blessé de

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