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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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matricule, essayant de ne pas bégayer, bien que ses mâchoires fussent littéralement soudées par le froid.
    –  Qu’est-ce que c’est que cet H, sur ta plaque ? questionna l’homme avec suspicion.
    –  Hébreu, dit Noah.
    –  Hébreu ? s’écria l’homme de Georgie. Qu’est-ce que c’est que ça ?
    –  Juif, dit Noah.
    –  Y peuvent pas le dire tout de suite ? dit le Georgien, profondément vexé.
    –  Écoutez, dit Noah, est-ce que vous avez l’intention de nous garder comme ça jusqu’à la fin de la guerre ? On gèle !
    –  Entrez donc, dit l’homme du trou. Faites comme chez vous. Y fera jour dans un quart d’heure et je vous emmènerai au P. C. de la compagnie. Y a un fossé derrière moi. Fourrez-vous-y jusque-là.
    Il leur rendit leurs plaques et les regarda curieusement.
    –  Comment était-ce, là-bas ? demanda-t-il.
    –  Magnifique, dit Noah.
    –  Jamais tant ri de ma vie, souligna Burnecker.
    –  Je veux bien le croire, commenta le Georgien.
    –  Écoute, dit Noah au grand Burnecker. Prends ça. C’est mon portefeuille. La carte y est, au dos d’une photo de ma femme. Si je ne suis pas revenu dans un quart d’heure, veille à ce qu’elle parvienne au quartier général.
    –  Où vas-tu ? demanda Burnecker.
    –  Chercher Cowley, répliqua Noah.
    Il fut un peu surpris de s’entendre le dire. Il n’avait pas eu conscience d’y penser et n’avait nullement raisonné. Mais, au cours des trois derniers jours, il avait contracté l’habitude de prendre automatiquement les décisions et se sentait, à présent, responsable du sort des autres. Et, maintenant qu’il était en sécurité, la vision de Cowley blotti dans son buisson, sur l’autre rive, perdu parce qu’il croyait le canal trop profond, refusait de disparaître de son esprit.
    –  Où est-il, ce Cowley ? demanda l’homme de Georgie.
    –  De l’autre côté du canal, répliqua Burnecker.
    Le Georgien scruta la nuit pâlissante.
    –  Vous devez avoir rudement de l’affection pour Mr Cowley, dit-il.
    –  Je l’adore, coupa Noah.
    Il souhaitait que les autres l’empêchent d’y aller, mais personne ne-dit rien.
    –  Combien de temps crois-tu que tu vas mettre ? demanda l’habitant du trou.
    –  Un quart d’heure.
    –  Tiens, dit l’homme, prends-en pour un quart d’heure de courage.
    Il lui tendit une bouteille. Elle avait été posée près de lui, à ses pieds, et le fond était enveloppé d’une couche de la boue glacée dans laquelle ils s’étaient tenus debout toute la nuit. Noah ôta le bouchon et absorba une longue gorgée de l’alcool qu’elle contenait. Les larmes lui vinrent aux yeux, sa gorge et sa poitrine parurent s’enflammer, et il eut l’impression d’avoir avalé une résistance électrique.
    –  Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ? hoqueta-t-il.
    –  Une boisson locale, répondit l’homme. De l’eau-de-vie de pomme, je crois. Très bon pour la natation.
    Il reprit la bouteille, la remit à Burnecker, qui la porta à sa bouche et but lentement, rudement.
    Burnecker reposa la bouteille.
    –  Tu sais, dit-il à Noah, tu n’es pas obligé de retourner chercher Cowley. Il a eu sa chance. Tu ne dois absolument rien à ce salaud-là. À ta place, je n’irais pas. Si je pensais un instant qu’il le mérite, je t’accompagnerais. Mais il ne mérite pas que tu retournes le chercher, Noah.
    –  Si je ne suis pas revenu dans un quart d’heure, répéta Noah, admirant la calme logique du raisonnement de Burnecker, n’oublie pas, pour la carte…
    –  Je vais aller prévenir les autres qu’y te tirent pas dedans quand tu reviendras, dit l’homme de Georgie.
    –  Merci, dit Noah.
    Il reprit le chemin du canal, le corps gelé à l’extérieur, incendié à l’intérieur. Au bord du canal, il s’arrêta. La marée remontait à vue d’œil. L’eau giflait la rive avec un bruit de mauvais augure. S’il retournait maintenant, il serait dans une demi-heure au P. C. de la compagnie, ou bien dans un hôpital, sur une couchette, avec des couvertures, une boisson chaude, et il pourrait dormir, des jours, des nuits, des mois… Il avait fait tout ce qu’il avait pu, et plus encore, personne ne pouvait l’accuser d’avoir manqué à son devoir, il s’en était tiré, il avait sauvé Burnecker, il avait dessiné la carte, il ne s’était pas rendu alors que c’était-si facile, il n’avait pas hésité à courir des risques

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