Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
Vom Netzwerk:
veux ?
    –  J’ai un poème dans un magazine, dit Noah. Tu veux le lire ?
    Il y eut un long silence, puis Burnecker se redressa.
    –  Bien sûr, dit-il. Passe-le moi.
    Noah lui tendit le magazine, convenablement plié. Il observa attentivement le visage de Burnecker, tandis que son ami lisait le poème. Burnecker lisait lentement, en remuant les lèvres. Une ou deux fois, il ferma les yeux, et sa tête dodelina, mais il lut le poème jusqu’à la fin.
    –  C’est beau, dit Burnecker.
    Il rendit le magazine à Noah.
    –  Sans chiqué ? demanda Noah.
    –  C’est un beau poème, affirma Burnecker avec conviction.
    Il hocha emphatiquement la tête. Puis il s’allongea.
    Noah regarda son nom imprimé. Ses yeux étaient provisoirement incapables de lire le reste. U remit le magazine dans la chemise du mort et s’allongea à son tour, aux côtés de Burnecker.
    Juste avant de sombrer dans le sommeil, il vit Rickett. Rickett était debout près de lui, rasé de frais, dans un uniforme neuf.
    –  Oh ! Szeigneur, disait Rickett, très haut, très loin, au-dessus de Noah, oh ! Szeigneur, on a toujours le Juif.
    Noah ferma les yeux. Il savait que ce que Rickett venait de dire aurait plus tard une grande importance, dans sa vie, mais, pour l’instant, il ne pensait plus qu’à dormir.

29
     
     
     
    LE kilomètre suivant se trouve sous le feu direct de l’artillerie, annonçait un écriteau planté sur le bord de la route. Laissez entre les véhicules un intervalle de soixante-quinze mètres.
    Michael jeta un coup d’œil en coin au colonel Pavone. Mais Pavone lisait un roman policier, une « oversea-edition » qu’il avait ramassée au camp, en Angleterre, pendant qu’ils attendaient d’être transportés sur le Continent. Pavone était le seul homme que Michael ait jamais vu réussir à lire dans une Jeep.
    Michael appuya sur l’accélérateur, et la Jeep fonça sur la route déserte. Ils laissèrent à droite un aérodrome que les bombardements alliés avaient transformé en cimetière d’avions. Une fumée s’élevait, loin devant eux, et planait sur les champs de blé, dans l’air calme de ce bel après-midi d’été. La Jeep gagna rapidement le couvert d’un bouquet d’arbres, franchit une petite colline et sortit du kilomètre dangereux.
    Michael soupira et ralentit légèrement. Des grosses pièces grondaient au loin, vers la ville de Caen, que les Anglais avaient conquise la veille. Michael ignorait ce que Pavone avait l’intention de faire à Caen. En sa qualité d’officier volant des Affaires civiles, Pavone avait des ordres de mission qui lui permettaient de parcourir le front d’une extrémité à l’autre. Avec Michael au volant de sa Jeep, il avait visité toute la Normandie, tel un touriste ensommeillé et débonnaire, observant tout – chaque fois qu’il ne lisait pas, – saluant les combattants, échangeant avec les habitants des propos argotiques et prenant occasionnellement des notes sur des chiffons de papier. Chaque soir, Pavone se retirait dans son antre, non loin de Carentan, et tapait des rapports qu’il envoyait à quelque administration supérieure, mais Michael n’avait jamais lu ces rapports et ignorait où ils allaient.
    –  Ce bouquin est stupide ! déclara Pavone.
    Il le jeta au fond de la Jeep.
    –  Il faut être idiot pour lire des romans policiers.
    Il regarda autour de lui, avec une grimace de clown.
    –  Nous approchons ? demanda-t-il.
    Cachée derrière un groupe de fermes, une batterie ouvrit le feu. Le pare-brise vibra, et Michael ressentit une fois de plus, l’étrange contraction d’estomac qu’il ressentait toujours lorsqu’un canon tirait trop près de lui.
    –  On le dirait, répliqua-t-il.
    Pavone s’esclaffa.
    –  Il n’y a que les cent premières blessures qui font vraiment souffrir, dit-il.
    « Le salaud, pensa Michael. Un de ces jours, il va me faire tuer. »
    Ils croisèrent une ambulance britannique, qui retournait vers l’arrière, rebondissant cruellement sur la route endommagée. Michael pensa un instant aux blessés qu’elle contenait, douloureusement ballottés sur leurs civières…
    Ils passèrent devant un tank britannique incendié, béant et noir, duquel émanait une odeur de cadavre. Toutes les localités, toutes les villes qui, sur la carte, et derrière le micro de la B. B. C., représentaient une victoire, avaient la même odeur douceâtre, corrompue, nullement victorieuse. Le nez brûlé par

Weitere Kostenlose Bücher