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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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le soleil, les yeux enflammés derrière ses lunettes d’auto poussiéreuses, Michael regretta, vaguement, d’avoir quitté son tas de bois de démolition, en Angleterre.
    Ils grimpèrent une nouvelle côte. Devant eux s’étendait la ville de Caen. Il y avait un mois que les Anglais essayaient de la prendre, mais, lorsqu’on la voyait d’assez près, on se demandait quelle avait pu être la raison de leur impatience. Il restait encore de nombreux murs, mais peu de maisons. L’un après l’autre, chaque pâté d’immeubles avait été conquis et abattu et, aussi loin que pouvait porter le regard, le spectacle était le même. Tripes à la mode de Caen, rappela à Michael le souvenir des menus d’un restaurant français de New York. L’Université de Caen lui restitua un cours d’histoire médiévale. Des mortiers lourds de l’armée britannique tiraient par-dessus les livres entassés de la Bibliothèque universitaire, et des mitrailleurs canadiens guettaient l’ennemi, par les fenêtres des cuisines, où les tripes étaient jadis si adroitement préparées.
    Ils circulaient à présent dans les faubourgs de la ville, parmi des tas de décombres. Pavone fit signe à Michael de stopper, et Michael rangea la Jeep contre l’épaisse muraille d’un couvent. Dans le fossé qui courait à la base du mur étaient accroupis quelques Canadiens. Ils regardaient les Américains avec une curiosité non dissimulée.
    « Nous devrions porter des casques britanniques, pensa nerveusement Michael. Aux yeux des Anglais, ces satanés engins doivent exactement ressembler aux casques allemands. Un de ces jours, ils nous tireront dessus et examineront nos papiers ensuite. »
    –  Comment ça va, par ici ?
    Pavone avait sauté de la Jeep et parlait aux soldats blottis dans le fossé.
    –  Mal, merci, répliqua l’un des Canadiens, un grand type brun à tête d’Italien.
    Il se mit debout dans le fossé et ricana.
    –  Vous allez en ville, mon colonel ?
    –  Probablement.
    –  Vous allez vous faire tirer dessus. Y en a encore de planqués un peu partout, affirma le Canadien.
    Un obus siffla, et les Canadiens replongèrent dans leur fossé. Michael se pencha en avant, niais il n’avait pas le temps de sortir de la Jeep et il se contenta de protéger son visage de ses mains légèrement tremblantes. Aucune explosion ne succéda au sifflement, un « blanc », constata machinalement l’esprit de Michael ; les braves ouvriers de Prague et de Varsovie emplissant de sable les obus et glissant parmi les fragments d’acier des messages héroï-comiques. « De la part des ouvriers antifascistes de Skoda, salut ». Ou bien était-ce encore une histoire romantique inventée par les journaux et l’O. W. I., et l’obus n’éclaterait-t-il pas, dans six heures, quand tout le monde aurait oublié son existence ?
    –  Toutes les trois minutes, dit amèrement le Canadien en se relevant. On est ici au repos, et, toutes les trois minutes, y faut se jeter à plat ventre. C’est ce que l’armée britannique appelle mettre des hommes au repos.
    Il cracha.
    –  Y a-t-il des mines ? demanda Pavone.
    –  Bien sûr qu’il y a des mines, répliqua le Canadien d’un ton agressif. Pourquoi qu’y aurait pas de mines ? Où est-ce que vous vous croyez ? Dans la Cinquième Avenue ?
    Il avait un accent qui n’eût pas paru déplacé à Brooklyn.
    –  D’où êtes-vous, soldat ? lui demanda Pavone.
    –  De Toronto, dit le soldat. Et le prochain qui essaiera de me faire quitter Toronto recevra un essieu de Ford entre les oreilles.
    Il y eut un nouveau sifflement, et, de nouveau, Michael n’eut pas le temps de quitter la Jeep. Comme par enchantement, le Canadien disparut. Pavone ne broncha pas. Il s’appuya simplement au capot de la Jeep. Cette fois, l’obus éclata, mais à cent mètres au moins, car aucun débris n’atterrit dans leur voisinage. De l’autre côté de la muraille du couvent, deux canons donnèrent la réplique.
    Le Canadien ressortit de son fossé.
    –  Au repos ! grogna-t-il avec hargne. J’aurais mieux fait de m’engager dans l’armée américaine. Vous n’avez pas vu d’Anglais par ici, pas vrai ?
    Ses yeux nuageux passèrent en revue les maisons détruites et les rues crevées.
    –  Rien que des Canadiens, affirma-t-il. Dès que ça barde, on appelle les Canadiens. Aucun Anglais n’est allé plus loin que les bordels de Bayeux.
    –  Allons, allons… commença Pavone amusé

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