Le Baptême de Judas

mais il semblait en savoir long.
    —    Pernelle et Ugolin vous ont certainement raconté l’histoire de ce templier qui m’a remis un message sur la route de Carcassonne et qui a ensuite tenté de m’occire ? m’enquis-je.
    —    C’est par leur bouche que j’ai appris que sa note portait la même signature, compléta Foix.
    —    La question est de savoir qui voudrait se faire passer pour la mendiante, intervint Esclarmonde. Et pourquoi.
    —    Dans le message que j’ai reçu, le prétendu Cancellarius Maximus m’ordonnait de remettre la première part à Montfort, réfléchis-je à haute voix. Celui qu’a reçu Roger Bernard s’assurait qu’on sache que j’avais trahi. Tout cela ressemble à une campagne bien organisée.
    —    On dirait, en effet, que quelqu’un voulait s’assurer que la Vérité soit remise aux croisés, ajouta Eudes.
    —    Quelqu’un qui en sait beaucoup sur les Neuf, compléta Esclarmonde. Notamment mon rôle au sein de l’Ordre, qui n’est tout de même pas claironné en public.
    —    Au fond, rien de cela ne devrait nous étonner, répondis-je. Ceux qui ont usurpé les fauteuils des Neuf du Nord connaissaient tout de l’Ordre, y compris l’existence du Cancellarius Maximus et le rôle qu’il était appelé à jouer dans la réunion des deux parts. Ils ont utilisé ce qu’ils savaient pour retourner contre moi tous ceux qui pouvaient me venir en aide tout en essayant de me faire croire que j’accomplissais la volonté du Chancelier. Ainsi, ils m’isolaient complètement. Ils ignoraient toutefois que la mendiante était morte.
    —    C’est plausible, dit Esclarmonde. Mais comment en savent-ils autant sur les Neuf du Sud ?
    —    Ça, je l’ignore.
    —    Et pourquoi diable essayer de t’occire en chemin, alors ? ajouta Foix.
    —    Parce que quelqu’un, quelque part, doutait de mon intention d’obtempérer ?
    —    Hum. fit Esclarmonde, soucieuse, en se tapotant le bout du nez. Nos ennemis ont l’esprit plus retors que je ne l’aurais cru. Nous ferions bien de ne pas l’oublier.
    Je reportai mon attention sur Roger Bernard.
    —    Et après avoir reçu le message, qu’as-tu fait ?
    —    Qu’il se fût agi ou non d’une ruse, et même si je n’y comprenais goutte, il était clair que quelque chose de sérieux se tramait. Alors j’ai fait ce qui m’apparaissait utile : après consultation avec mon père, j’ai filé en douce vers Montségur pour en discuter avec tante Esclarmonde. J’espérais qu’elle y verrait plus clair que moi et je savais que, si elle le jugeait nécessaire, elle pourrait en avertir qui de droit.
    Sa mâchoire se crispa et un éclair de colère traversa ses yeux.
    —    Quand je suis arrivé ici, dit-il d’une voix tremblante, je croyais y trouver Cécile, grosse et prête à accoucher. Mais elle n’y était pas. Elle n’avait jamais atteint Montségur.
    —    J’ignorais qu’elle venait vers moi, intervint la Parfaite, visiblement catastrophée. Si j’avais été prévenue, Eudes aurait envoyé une escorte à sa rencontre. Ce n’est qu’à l’arrivée d’Ugolin et de dame Pernelle que nous avons appris que la malheureuse avait été enlevée.
    Elle croisa les bras et les frotta avec ses mains pour chasser les frissons qui la parcouraient.
    —    La pauvresse. prisonnière de ce monstre de Montfort, murmura-t-elle.
    —    Dès qu’Esclarmonde a pris connaissance du mystérieux message, elle m’en a informé, précisa Eudes.
    —    Et ?
    —    Pour les raisons qui viennent d’être évoquées, nous sommes demeurés perplexes. Nous n’arrivions pas à comprendre qui pouvait en être l’auteur et quelles étaient ses motivations. Pourtant, même si nous ne voulions pas y croire, nous ne pouvions courir le risque de rejeter le fait qu’on te disait passé à l’ennemi. Et la disparition de Cécile semblait aller dans le même sens. Ce que nous ont rapporté Ugolin et Pernelle confirmait aussi l’histoire. L’Ordre était devenu squelettique et nous avions besoin de combler les postes vacants. Comme Roger Bernard est de la famille de Foix, il était amplement digne d’être accueilli parmi les Neuf afin qu’il puisse nous apporter son aide en toute connaissance de cause.
    —    Tu n’aurais pu faire un meilleur choix, approuvai-je. Il n’est pas seulement habile combattant et courageux. Il est aussi intelligent et rusé.
    Le