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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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   Parce que je les en ai informés, répondit calmement Norbert.
    —    Pourquoi ne suis-je pas surpris ?
    Il se contenta de sourire avant de continuer le récit de ma vie.
    —    Tu as retrouvé le suaire, qu’ils cherchaient en vain depuis des années. Puis ils t’ont proposé un marché que tu ne pouvais refuser : leur remettre aussi la première part de la Vérité, en échange de la vie de dame Cécile de Foix que, pour ton plus grand malheur, tu avais eu l’imprudence d’engrosser. Tu as repris la route de Carcassonne, résigné à trahir les Neuf. Dois-je relater la suite ?
    —    Puisque tu en sais autant, je peux très bien le faire moi-même. Ton laquais s’est mis à me hanter comme un esprit mauvais. Il m’a d’abord remis un mot m’ordonnant de remettre la première part à Montfort. Je présume qu’il était de toi ?
    —    Vrai.
    —    Puis il a monté un guet-apens pour m’occire. Sur ton ordre, j’imagine.
    Il but une gorgée et se frotta le visage avec lassitude avant de répondre.
    —    Je suis celui qui a ordonné ta mort, en effet. À contrecœur, sache-le. Il est toujours déchirant de condamner un homme valeureux, mais certains impératifs priment sur de telles considérations. Par contre, j’ai été naïf. J’aurais dû savoir qu’un homme formé par Bertrand de Montbard aurait la peau épaisse et qu’il ne se laisserait pas faire. Pourtant, crois-moi, Jacques de Payraud est lui-même un redoutable bretteur. Après que tu lui as résisté, il a dû se contenter de te suivre. Il s’est assuré que tu étais bien arrivé à Carcassonne et a attendu les ordres. Quand tu es parti pour Montségur, je me doutais bien que tu ne serais pas docile. Véran l’a confirmé dès qu’il en a été capable. Tu l’as salement amoché.
    —    Je le croyais mort, rétorquai-je sèchement. Si j’avais su qu’il était encore en vie, j’aurais vu à corriger la situation.
    —    Ne le juge pas trop hâtivement, Gondemar, coupa-t-il en levant une main déformée et noueuse. Tu n’as pas été parfait, toi non plus.
    Etonné par ces mots, je vidai mon verre et le déposai sur la table. Puis je me calai dans mon fauteuil, croisai les bras sur ma poitrine et le dévisageai.
    —    J’ignore comment tu sais autant de choses à mon sujet, qui tu es ou qui tu sers, mais il est clair que tu as de vastes moyens à ta disposition.
    —    Ils ne sont pas si vastes que cela, mais ils sont efficaces et entièrement dévoués à la cause.
    —    Ce qui est clair, c’est que tu n’as pas intérêt à ce que la Vérité soit préservée. Or, je me décarcasse depuis presque trois ans pour empêcher Montfort et le misérable petit légat efféminé de poser leurs sales pattes dessus. Nous sommes donc dans des camps opposés. Or, voilà que, comme l’hôte parfait, tu m’offres du vin et tu me dis que je suis ici pour apprendre comment préserver à la fois la Vérité et Cécile. Tu ne me tiendras pas rigueur d’être perplexe.
    Norbert de Craon étira un bras d’une maigreur cadavérique pour saisir le pichet et remplit nos coupes. Puis il s’adossa à nouveau en grimaçant.
    —    À première vue, en effet, dit-il en ricanant une fois de plus, il y a contradiction. Si j’étais dans tes chausses, je ne me ferais pas confiance non plus.
    Une étincelle de sévérité inattendue traversa ses yeux. Il appuya ses coudes sur la table et me fixa intensément, toute bonhommie disparue de son regard.
    —    Sache ceci : je suis entré ici quand je n’étais encore qu’un jeune homme et je n’en suis jamais ressorti, Gondemar, déclara-t-il d’un ton amer. Je ne me souviens même plus de la dernière fois que j’ai senti la chaleur du soleil sur ma peau. Et je mourrai sans jamais revoir le jour. Que tu me croies ou non, j’ai sacrifié la plus grande partie de ma vie pour préserver la Vérité.
    —    Vraiment ? Tu as une drôle de façon de le faire.
    Il laissa échapper un long soupir de lassitude qui se transforma en quinte de toux glaireuse. Il avala une gorgée de vin et prit un instant pour retrouver son souffle, la sueur perlant sur sa peau ravinée. Puis il se leva pour se rendre devant l’âtre, où il se frotta les mains en se réchauffant.
    —    Les choses sont infiniment plus complexes que tu ne le crois, mon ami, dit-il sans se retourner, et la seule raison pour laquelle tu te trouves ici, devant moi, au lieu de

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