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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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dans le Sud et en France, ses membres se sont établis ici, sur les hauteurs des Pyrénées, dans le royaume d’Aragon. Depuis, nous vivons dans ce réseau de cavernes, comme des animaux nocturnes. Tout cela pour une cause qui transcende notre vie même.
    Que le Temple et les mots sacrés lui servent de refuge dans l’ombre du roi. Et souviens-toi: Post Tenebras Lux, songeai-je en me remémorant la note laissée par Baroche dans la cassette, à Gisors. Par mille chemins détournés, j’avais atteint l’endroit annoncé par le frère servant. Sauf que le temple était situé à l’ombre du roi Pedro II d’Aragon. Il ne restait qu’à voir la lumière qui suivrait les ténèbres.
    —    Tous les autres Prætores 6 d’origine sont morts et ont été remplacés, déplora Norbert. Tu as rencontré ceux qui forment aujourd’hui le Prætorium sur la route entre Gisors et Carcassonne. Moi seul suis encore là, même si j’ai mille fois souhaité que Dieu m’accorde le repos. Il faut croire que le Cancellarius Maximus n’y a pas droit.
    —    Jusqu’à ce qu’il ait choisi le moment de la révélation ? s’enquit Eudes.
    —    Dans les circonstances actuelles, je dois surtout m’assurer qu’il n’y en ait pas et que la Vérité demeure inconnue, bien tapie dans le secret de ce sanctuaire. Si l’existence des reliques était connue, la convoitise du pape en serait rallumée, alors que si tout fonctionne comme prévu, elle s’éteindra bientôt. D’où l’importance de remettre à Innocent la première part qui lui manque encore afin que son appétit soit rassasié une fois pour toutes. En croyant vaincre, il perdra.
    D’un pas traînant, Norbert se dirigea vers le fond de la pièce.
    —    Ironiquement, il nous aura bien servi, ce mythe du Christ, ricana-t-il en se déplaçant à grand-peine. Grâce à lui, l’Église a passé près de mille ans à courir après quelque chose qui n’avait d’importance que pour elle. Pendant ce temps, la Vérité était en sécurité et demeurait inconnue.
    Il s’arrêta devant la tenture et se retourna.
    —    Le moment d’apprendre la Vérité est arrivé, mes amis. Et, par conséquent, celui de choisir votre camp. Car dès que vos yeux se seront posés sur elle, vous ne pourrez plus revenir en arrière. Vous serez des nôtres ou vous ne serez plus. Il n’existe aucun compromis. Comprenez-vous bien cela ?
    À tour de rôle, nous hochâmes silencieusement la tête. Au-delà de l’absence de choix, chacun aurait donné quelques années de sa vie pour connaître le secret qui lui était agité sous le nez.
    —    Bien, fit Norbert. Jacques, Véran, si vous voulez bien prendre place, mes amis ?
    Les deux hommes se levèrent, attrapèrent au passage une torche au mur et vinrent le rejoindre.
    —    Approchez et voyez la Lumière, nous invita solennellement le vieil homme.
    Nous obtempérâmes. Le Cancellarius Maximus, puisque je devais me faire à l’idée que tel était bien le titre de Norbert de Craon, attendit que nous l’entourions puis m’étonna en s’agenouillant avec difficulté face au rideau. Il inclina respectueusement la tête, les mains jointes sur la poitrine, et attendit, tel un prêtre devant l’autel. Payraud et Véran se placèrent face à face, leur torche brandie bien haut, et glissèrent la main dans l’échan-crure. Ils en écartèrent solennellement les deux moitiés.
    Les tentures de velours ne cachaient pas la paroi, comme je l’avais cru, mais une cavité dans le roc, que l’on avait taillée pour lui donner la forme d’une niche en ogive semblable à celles que l’on retrouve dans les églises. Dans cette ouverture reposait un reliquaire en or massif incrusté de pierres précieuses. Le coffret faisait peut-être une coudée de hauteur par un peu moins de largeur et de profondeur. Sa face avant comportait une porte qui en couvrait presque toute la surface et qui portait deux symboles. Au sommet, je reconnus l’Agnus Dei 7 que j’avais déjà vu dans les livres du père Prelou : un agneau en marche, surmonté d’une croix.

    Au milieu se trouvait un poisson sommairement tracé.

    Sous la porte se dessinait un petit bouton d’or qui permettait d’ouvrir un tiroir.
    Norbert se releva et désigna le reliquaire de la main.
    —    Je vous offre la Lumière, déclara-t-il. À vous de la voir.
    Avec un infini respect, le vieillard s’inclina et ouvrit le reliquaire, dévoilant ce qu’il

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