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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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menton. Elle couvrait partiellement une épaisse cicatrice qui lui traversait la lèvre supérieure.
    Lorsqu’il eut assuré son équilibre, il s’accrocha à moi pour se redresser. Ce faisant, il passa subrepticement le bras derrière mon dos. Stupéfait, je sentis qu’il glissait quelque chose dans ma main. Je fis un effort pour ne pas laisser paraître mon étonnement. L’espace d’un instant, nous nous retrouvâmes face à face et il vrilla ses yeux perçants dans les miens.
    — Secretum Templi, mon frère, murmura-t-il, juste assez fort pour que je l’entende.
    Interloqué, je ne pus que le dévisager. Cet étranger venait de prononcer les mots sacrés de l’Ordre des Neuf. Pourtant, il n’appartenait pas à ceux du Sud et ceux du Nord n’existaient plus. Comment les connaissait-il ? Était-il en train de se jouer de moi ou se passait-il quelque chose qui m’échappait ?
    Il me scruta un instant, en attente d’une réponse. Il avait l’air sérieux, mais j’ignorais tout de lui et les secrets des Neuf n’appartenaient à personne d’autre. Pourtant, il savait clairement que j’en faisais partie. Je n’avais aucune idée de la façon dont je devais réagir, ni quoi lui dire, ou même si je devais lui répondre sans connaître son identité. À court de temps, il se redressa et, une fois bien en selle, avec un mépris presque palpable, il écarta du bout des doigts l’arme de Nantier.
    Il lissa dignement son manteau et reprit son chemin sous les quolibets étouffés des hommes de Pierrepont. Je le regardai s’éloigner et notai que, étrangement, son cheval semblait maintenant tout à fait docile et ne regimbait plus.
    La procession de la milice du Christ s’acheva et les rangs des croisés se reformèrent. Puis nous reprîmes notre route. Je fermai le poing sur ce qui y avait été déposé. J’ignorais ce qui venait de se passer, mais j’avais la conviction que je devais le comprendre au plus vite.
    Je brûlais de découvrir ce que le templier avait glissé dans ma paume. Au toucher, je pouvais déterminer qu’il s’agissait d’un morceau de papier plié tout petit. Je gardais le poing résolument fermé dessus. Il avait bien dit Secretum Templi. J’en aurais mis ma main au feu. De préférence, la gauche. Il ne pouvait donc s’agir que d’un message. Était-il envoyé par Eudes ? Les Neuf avaient-ils appris notre situation ? S’apprêtaient-ils à attaquer le convoi et à reprendre la seconde part pendant qu’elle était encore vulnérable ? Il faudrait des forces considérables pour venir à bout des troupes de Pierrepont et de des Barres, certes, mais avec la collaboration des Templiers du Sud, Eudes pouvait certainement disposer d’autant d’hommes qu’il le souhaitait.
    Je me fis violence pour maîtriser l’espoir qui cherchait à naître en moi. Je devais prendre connaissance du message au plus tôt, de peur de faire avorter une tentative de nous venir en aide. Mais cela m’était impossible et j’en désespérais. Nantier et ses compères restaient collés à moi comme de la boue à mes chausses, et j’étais entouré de croisés. Si j’essayais de déplier le papier, on le remarquerait à coup sûr. Je dus me faire violence et patienter jusqu’à la halte qui tardait à venir, cruellement conscient que chaque minute perdue représentait peut-être une occasion manquée.
    Lorsque notre marche forcée fut enfin interrompue, la nuit était déjà avancée et les soldats avaient cessé de maugréer depuis longtemps. Nous ne pourrions dormir que quelques heures avant de nous remettre en route. Je fus brusquement descendu de cheval et jeté à terre par des croisés à l’humeur massacrante. Mes liens m’empêchèrent d’amortir ma chute et j’atterris sur le flanc. Mes pauvres côtes meurtries, qui avaient subi plus que leur part de mauvais traitements, protestèrent avec véhémence et mon épaule gauche s’engourdit jusqu’au coude. Je m’assis en m’effor-çant de ne pas grimacer. On défit mes fers le temps de me placer les poignets sur le devant et on me les remit. Puis on m’en installa une seconde paire aux chevilles. Ainsi équipé, je ne pourrais pas aller loin si l’envie me prenait de m’enfuir pendant que le camp dormait. Malgré la fraîcheur et l’humidité, personne ne jugea nécessaire de me donner une couverture.
    Je m’assis près de Sauvage et m’enveloppai de mon mieux dans ma vieille capeline. La brave bête, heureuse de m’avoir

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