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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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mettre à brûler et me couper le souffle. Petit à petit, le soubresaut enfla jusqu’à former un bouchon qui finit par forcer la porte de ma bouche. J’éclatai d’un grand rire qui fit tourner les têtes autour de moi. Pendant une longue minute, je ris sans pouvoir m’arrêter, me tenant le ventre de ma main libre, me frappant l’arrière de la tête contre la roue de la charrette. Bientôt, de grosses larmes coulèrent sur mes joues.
    Je ne me rappelais pas la dernière fois que j’avais été pris d’une telle hilarité. Mais tout en m’y abandonnant de bon cœur, goûtant la détente qu’elle me procurait, j’essayais de comprendre ce qui m’arrivait. Interdit, le moine me dévisagea jusqu’à ce que la crise se calme.
    —    Si tu savais, grosse chiure, combien le sort de mon âme te dépasse, haletai-je en essuyant mes yeux, tu ne perdrais pas ton temps à me tourmenter. Morbleu, j’aimerais être là lorsque tu passeras en jugement ! Tu seras certainement moins sûr de ton bon droit ! Heureusement pour toi, toute cette graisse rendra la froidure de l’enfer un peu plus confortable. Que Dieu veuille seulement que nous nous y retrouvions ensemble. Je m’arrangerai pour que l’éternité te soit longue et pénible.
    Malgré moi, je me remis à rire. Vexé de n’être pas pris plus au sérieux, le moine feuilleta frénétiquement sa bible. Lorsqu’il eut trouvé le passage qu’il cherchait, il me le cita de ce ton sentencieux qui m’irritait tant, l’index brandi dans les airs.
    —     Ex recto corde sermones mei sunt, et sententiam puram labia mea loquentur. Spiritus Dei fecit me, et spiraculum Omnipotentis vivificavit me. Si potes, responde mihi, pr æ para te coram me et consiste 1 , maudit hérétique !
    Peu à peu, le sourire quitta mon visage et j’observai le visage bouffi que je méprisais tant. Au fond, l’homme n’était qu’un ambitieux aussi minable que pathétique. Il venait me piquer ainsi pour provoquer chez moi une colère et une frustration qui donnaient un sens à sa propre existence. Faute d’importance, il s’en nourrissait. Il était aussi faible que prétentieux. Il n’était rien. Tout comme moi.
    Je décidai de ne pas lui offrir le plaisir qu’il se promettait. Soudain pris d’une envie espiègle, je me mis à fouiller dans les souvenirs qui me restaient des leçons reçues auprès du père Prelou. Le prêtre de Rossal m’avait fait lire la Bible sans relâche, m’instruisant sur le sens des paroles que je croyais alors divines, me faisant répéter ad nauseam   2   les passages qu’il jugeait les plus significatifs et les plus beaux jusqu’à ce qu’ils soient gravés à jamais dans ma mémoire. Je constatai avec reconnaissance qu’ils s’y trouvaient toujours, prêts à être utilisés.
    Quand j’eus trouvé ce que je cherchais, je lui adressai mon sourire le plus coquin. Je savais pertinemment que le fait de prononcer des paroles sacrées, fussent-elles fondées sur un mensonge, exigerait de moi un terrible tribut, mais j’étais résolu à le payer. J’avais à peine prononcé les premiers mots que ma main droite se porta malgré moi à ma gorge, qui fut aussitôt en feu. Sous mes doigts, je sentais le sang pulser violemment dans la cicatrice qui en faisait le tour et qui semblait se resserrer pour m’étrangler. Ton corps te rappellera tes fautes et te refusera tout ce qui est divin... Cette fois, j’allais en jouir.
    —    Et toi, immonde tas de suif, râlai-je, non es mentitus hominibus sed Deo 3 ! Tota die insidias cogitasti; lingua tua sicut novacula acuta, qui facis dolum. Dilexisti malitiam super benignitatem, mendacium magis quam loqui æquitatem. Dilexisti omnia verba perditionis, lingua dolosa. Propterea Deus destruet te in finem 4 .
    Dans la lueur des flammes, je vis le moine écarquiller les yeux, visiblement stupéfait par ma répartie érudite.
    —    Quoi ? ricanai-je, d’une voix éraillée, le souffle court. Tu croyais que je n’étais qu’une brute inculte ? Sache que j’ai été instruit par un des tiens. Un prêtre meilleur que tu ne le seras jamais, car lui avait, au moins, le mérite de croire à ce qu’il enseignait. Et je te ferai remarquer que, contrairement à toi, je n’ai pas besoin de fouiller les pages.
    Aussi insulté que si je l’avais giflé, il se mit à souffler comme un bœuf en colère en feuilletant de plus belle. Incapable de résister au plaisir de le mettre dans cet état, je

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