Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
Vom Netzwerk:
pour ne pas être dupe : s’il avait mis fin à la torture, ce n’était pas pour sauver quelques minutes, mais pour abréger les souffrances des deux innocents. Lorsque nos regards se croisèrent, j’inclinai un peu la tête pour l’en remercier.
    —    Que Dieu vous mène à bonne fin, mes frères, murmura Pernelle quand nous passâmes près des cadavres.
    —    Tu les connaissais ? demandai-je.
    —    Non, mais je les envie. Ils ont trouvé la paix.
    Je ne dis rien. Je la comprenais mieux que personne.
    Le soir venu, le convoi s’arrêta dans une clairière. Tous s’empressèrent de mettre pied à terre, trop heureux de se délier enfin les muscles et d’étirer leur fessier endolori. Nos gardiens nous conduisirent à l’écart et empilèrent à la hâte un peu de bois sec qu’ils allumèrent. Puis ils libérèrent nos poignets et passèrent des fers à nos chevilles. Tous s’éloignèrent pour aller nourrir les chevaux, qui étaient réunis dans un petit pâturage non loin de là, et préparer le camp. L’un d’entre eux fut désigné pour garder un œil sur nous.
    Nous étions assis autour du feu depuis moins d’une heure, Pernelle, Ugolin et moi, lorsque des marchands firent leur apparition dans le camp. De ma position, j’avais vue sur des Barres, qui sembla hésiter entre faire chasser manu militari les nouveaux venus ou leur permettre l’accès. Il dut se dire qu’un changement de l’ordinaire ferait du bien aux hommes et que le vin tempérerait un peu leur impatience. Il permit donc aux commerçants d’offrir librement leurs produits, qui allaient du pain au vin en passant par l’eau-de-vie, la viande séchée ou fraîche, les légumes et les entrejambes.
    Je repérai un groupe de femmes dont la marchandise ne faisait aucun doute, certaines bien trop vieilles pour un tel commerce, d’autres beaucoup trop jeunes. Bras dessus, bras dessous, elles allaient d’un feu à l’autre en ondulant des hanches, taquinant les soldats au passage, exhibant leur poitrine. Ugolin et moi ne pûmes nous empêcher de rire en voyant Guy de Montfort en chasser une avec de petits gestes secs et efféminés, l’air proprement dégoûté.
    —    Ces garces auraient dû emmener un garçon, cracha Ugolin avec mépris.
    Au fur et à mesure qu’une transaction était conclue, les putains disparaissaient avec leurs clients dans les zones les moins éclairées du camp ou dans les bois environnants, livrant sans aucune forme de préambule le produit qu’elles venaient de monnayer, certaines montées comme des juments, d’autres accueillant leur partenaire sur le dos, d’autres encore les chevauchant. Le camp se transforma bientôt en bordel à ciel ouvert. À mesure que leurs rangs se raréfiaient, les vendeuses de plaisir progressaient vers nous. Quelques-unes furent encore arrêtées en cours de route, de sorte qu’une seule parvint à notre hauteur. Pernelle l’accueillit avec une volée de bois vert qui me surprit.
    —    La chair est la création du mal, mais dois-tu la déshonorer à ce point ? demanda-t-elle sèchement.
    Nullement démontée, la catin s’esclaffa avant de lui lancer un regard rempli de défiance.
    —    Peuh ! Tu parles de la sorte parce que tu ne pourrais pas vendre la tienne, carcasse ! rétorqua-t-elle. À moins que tu ne sois jalouse ? Tu sais, je ne suis pas regardante sur le sexe de mes clients. Tant que tu as des espèces sonnantes et trébuchantes, je t’offrirai un petit moment sur le dos !
    —    Garce ! rétorqua Pernelle, piquée au vif.
    —    Rabougrie !
    —    Coureuse de remparts !
    —    Mal baisée !
    Je levai les mains pour les pacifier, tout en essayant de retenir le fou rire qui me montait dans la gorge.
    —    Allons, allons, mesdames, du calme. À chacune son métier.
    Pernelle se renfrogna, mais ne cessa pas de décocher à la
    putain des regards de feu. Celle-ci faisait pitié à voir. La pauvresse avait peut-être seize ans. Sale comme une souillon, maigre à faire peur, elle avait cependant de fort jolis cheveux roux et ses yeux étaient perçants. Dans la lumière des flammes, je ne pouvais dire s’ils étaient verts ou bleus, mais ils étaient grands et éveillés. Elle nous toisa, Ugolin et moi, le menton haut, avec cette arrogance exagérée qu’adoptent les gens timides.
    —    L’un de vous a-t-il envie de se divertir un peu, beaux sires ? s’enquit-elle d’une voix qui se voulait aguichante. J’ai

Weitere Kostenlose Bücher