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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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évident, mais nébuleux.
    Pour le reste, peu importait comment je faisais tourner ce que je savais dans ma pauvre cervelle, j’en arrivais aux mêmes conclusions : cet homme n’était pas un allié de Simon de Montfort. Le chef des croisés me faisait déjà surveiller par son demi-frère et son ami Pierrepont. Il n’avait nul besoin d’un agent clandestin. J’avais eu tort de croire que sa première intervention n’était qu’une tentative maladroite de me tenir en laisse. L’inconnu était indépendant et son intérêt pour le sort de la Vérité était autre. La conclusion coulait de source : j’avais un ennemi que je connaissais et un autre dont j’ignorais tout, sinon qu’il ne reculerait devant rien pour s’assurer que la Vérité disparaisse. Bertrand de Montbard m’avait enseigné que le fait d’avoir deux adversaires pouvait se transformer en bienfait. L’ennemi de ton ennemi peut devenir ton allié, m’avait-il souvent répété après nos entraînements, lorsque nous discutions stratégie et tactique. Si tu arrives à les retourner l’un contre l’autre, ils te laisseront un peu tranquille et tu auras toujours une épine de moins au pied. Pouvais-je arriver à le faire ? Je connaissais l’un d’eux, mais pas l’autre.
    C’est, je crois, en réalisant cela que je décidai une fois pour toutes de ne pas aller vers la mort comme un agneau à l’abattoir. Avec beaucoup d’habileté et encore plus de chance, peut-être pouvais-je encore sauver Cécile, la Vérité et mon âme. Ou, à défaut, au moins les deux premières. Tu devras protéger la Vérité et l’empêcher d’être détruite par ses ennemis jusqu’au moment où l’humanité sera prête à la recevoir, m’avait déclaré Métatron. Tu vivras avec le souvenir de tes morts et de tes fautes. Tu tomberas plusieurs fois. Puis tu te présenteras à nouveau devant ton Créateur pour entendre son jugement. On m’avait confié une mission et je n’étais pas libre de l’abandonner. Il m’ appartenait de déterminer comment la mener, mais elle n’était pas sans issue. Dieu ne le permettrait pas.
    Pour la première fois depuis l’ultimatum brandi par Pierrepont dans le temple des Neuf de Gisors, j’avais l’impression que tout n’était pas perdu.
    Grâce à la connaissance qu’Ugolin possédait des routes du Sud, je savais que le chemin qui nous conduisait vers Carcassonne était différent de celui que nous avions pris pour monter vers Gisors. Il nous menait vers le sud-est en contournant Toulouse. La cité était toujours entre les mains de Raymond Roger et de son fils, et depuis que Montfort y avait été repoussé, il n’avait pas trouvé la façon de se venger. Je connaissais bien la détermination et l’intelligence des comtes de Toulouse, père et fils. Avec eux comme adversaires, celui qui voulait s’emparer de la ville aurait intérêt à se lever de bonne heure et risquait fort de se faire tanner le cul en s’y essayant.
    Ce parcours nous permettrait aussi d’éviter le village où la pauvre Tyceline et les siens avaient été massacrés par les hommes de Pierrepont, et Cahors, ce détestable nid à poux. Cela faisait mon affaire. Pour des raisons différentes, je ne désirais revoir ni l’un, ni l’autre. Nous ne passerions pas non plus près de Mondenard, dont mon seul souvenir était Ignis sacer et une senestre en bien mauvais état. J’aurais par contre pris plaisir à revoir le jeune Estève, pour lequel j’avais développé une sincère affection doublée d’un solide respect, ne fût-ce que pour constater comment il s’était tiré d’affaire. J’étais certain que, sous sa gouverne, le village s’était remis de l’épidémie. Il y avait même fort à parier que le jeune homme avait déjà pris la place de son père comme maire du village.
    Après trois jours de route, je sentis la fébrilité monter de quelques crans dans l’escadron. Les soldats de Guillaume des Barres avaient beau faire preuve d’une grande discipline, maintenant que nous étions dans le Sud, la fièvre du pillage commençait à leur échauffer le sang. Après tout, à quelques exceptions près, aucun d’eux ne participait à la croisade pour gagner son ciel. Ce qu’ils convoitaient, c’étaient les richesses qu’ils pourraient ramener chez eux. Quant à ceux de Pierrepont, ils avaient déjà connu la quarantaine et goûté la liberté de s’abandonner à leurs plus bas instincts. Le viol, la tuerie et

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