Le Baptême de Judas

doute d’être réduit à gérer les mouvements de tripes d’un prisonnier au lieu d’occire et de piller des hérétiques. Ugolin détacha ses braies avec empressement et s’accroupit pour se livrer à son affaire.
    —    Bougre de Dieu, dis-je. Je jurerais que je le sens d’ici.
    Dans le camp, les marchands continuaient de négocier avec
    les soldats. Je les regardais en me disant que, contrairement au Minervois, l’argent, lui, n’avait pas d’odeur et qu’un commerçant resterait toujours un commerçant. Ces gens étaient du Sud et savaient fort bien que ces clients s’en allaient massacrer leurs congénères. Pourtant, ils faisaient leurs affaires avec enthousiasme.
    L’un d’eux vint vers nous d’un pas déterminé, un panier sous le bras. Il portait une capeline dont le capuchon couvrait sa tête.
    —    À moins qu’il ne nous fasse crédit, je crains fort qu’il ne soit déçu, lui aussi, dis-je.
    —    Dommage, déplora Pernelle en faisant la moue. J’ai une faim de loup.
    —    Malgré l’odeur ?
    Mon amie haussa les épaules, embarrassée.
    —    Je croyais que la chair n’avait aucune importance ? la taquinai-je, regrettant aussitôt en me rappelant les deux Parfaits torturés en route.
    —    Tant qu’à y être enfermée, aussi bien la nourrir convenablement, ricana-t-elle.
    Arrivé devant nous, le marchand s’agenouilla et déposa son panier de pain à nos pieds. Avant que nous puissions le renvoyer, il avait déplié le linge qui cachait sa marchandise et sorti deux miches qu’il posa devant nous.
    —    Tu perds ton temps, mon brave, protestai-je. Nous ne sommes que des prisonniers et nous n’avons pas un écu.
    —    Point n’est besoin, sire. Je vous les offre de bon cœur, répliqua-t-il. C’est le moins que je puisse faire.
    À ma gauche, je sentis que Pernelle se raidissait. Il me fallut un moment de plus pour réaliser ce qu’elle avait déjà compris : ce marchand s’exprimait dans la langue du Nord, alors que nous étions déjà bien avant dans le Sud. De plus, sa voix ne m’était pas inconnue, mais je n’arrivais pas à la replacer.
    —    Faites seulement attention de ne pas vous casser les dents, poursuivit-il.
    Avant de ramasser son panier et de se remettre debout, il regarda de tous les côtés. Rassuré, il releva son capuchon juste assez pour dévoiler son visage dans la lumière des flammes. Dans ses grands yeux, la naïveté de l’enfant avait été remplacée par la détermination de l’adulte, mais il était toujours le jeune homme à peine sorti de l’enfance que j’avais conduit à sa mère pour qu’elle lui sauve la vie.
    Odon.

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    Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon.

Chapitre 7 Échappatoire
    Stupéfaits de le trouver là et horrifiés du risque qu’il courait, ni Pernelle ni moi ne pûmes articuler le moindre mot.
    —    Je suis venu vous libérer, chuchota-t-il, plein d’espoir. Les marchands suivront votre convoi pour un jour encore. Arrangez-vous pour être prêts à fuir demain à l’aube. J’organiserai une diversion. Profitez-en. Il y a une petite source aux environs du village que nous avons passé hier. Attendez-moi là. Je vous y retrouverai. Nous retournerons à Rossal. Nous y serons en sécurité.
    Un frisson me remonta l’échine à l’idée de retourner chez moi. Il n’y restait plus rien de mon passé, mais mes souvenirs, eux, y étaient présents. Jamais je ne pourrais y vivre. Et de toute façon, il n’en était pas question. Mon destin était dans le Sud.
    —    Non, mon garçon, murmurai-je, effrayé de le voir prendre de tels risques. Tu n’as aucune idée du merdier dans lequel tu mets les pieds. Par le cul de la vierge, si tu tiens à la vie, reste loin de nous.
    —    Ma vie, je la dois à dame Pernelle, répliqua-t-il, avec la même fermeté que sa mère. Et si vous ne m’aviez pas mené à elle, sire Gontier, jamais elle n’aurait pu me sauver. J’ignore quel crime vous avez commis et pourquoi on vous ramène aux fers dans le Sud, mais cela ne peut rien annoncer de bon. Si je peux l’empêcher, je ne vous laisserai pas être traités ainsi.
    Le maudit enfant s’était mis en tête de nous libérer, lui qui n’était même pas encore un homme et qui n’avait jamais vu le combat de près, sauf durant mes entraînements auprès de Montbard lorsqu’il était petit. Il n’avait aucune chance de réussir. Il ne devait pas réussir. Mais