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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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s’attarda près d’un étal débordant de tissus et de tapis divers, et je fronçai les sourcils. Tout près, nonchalamment appuyé contre un mur, un homme semblait fort intéressé par le convoi. En fait, il semblait n’avoir d’yeux que pour moi. Le capuchon de sa capeline lui couvrait la tête, mais son allure et son maintien m’étaient vaguement familiers. Surtout, il tenait son bras gauche en écharpe.
    Comme s’il était satisfait d’avoir capté mon attention, il rabattit lentement son capuchon et me révéla son visage. J’en demeurai figé. Là, à quelques coudées, se tenait le templier qui avait tenté de m’occire. Ses yeux d’émeraude étaient rivés sur moi et il écarta sa capeline pour dévoiler une épée sur le manche de laquelle il posa la main, dans un geste sans équivoque. Puis il passa lentement le côté de sa main sur sa gorge, d’une oreille à l’autre, m’indiquant qu’il trancherait la mienne à la première occasion.
    Que faisait-il là ? Comment avait-il su qu’on me menait à Carcassonne ? Pourquoi m’y attendait-il ? Pour s’assurer que j’y étais bien arrivé et que je trahirais la Vérité ? Depuis mon départ, il avait semblé ne rien ignorer de mon sort. Qui était-il donc ? Je vis les coins de sa bouche se relever pour former un vague sourire, puis il inclina légèrement la tête. J’aurais juré qu’il m’adressait une simple salutation. Il posa la main gauche sur son cœur, adoptant la posture des Neuf lorsqu’ils se tenaient à l’ordre dans le temple. Puis il pivota sur lui-même et disparut dans la foule.
    Tant que je le pus, je regardai l’endroit où il s’était tenu. Cet homme semblait savoir tout de moi et anticiper mes moindres mouvements. Et moi, j’ignorais tout de lui. Intrigué et perplexe, je me tordis le cou jusqu’à ce que l’avance du convoi me fît perdre l’emplacement de vue. Quelque chose se tramait et j’en étais l’objet. Quelque chose de plus grand que moi, et qui semblait exiger ma mort. Une fois encore, j’eus le désagréable sentiment que j’avais d’autres ennemis que Montfort. Des ennemis aussi bien informés, sinon plus, et tout aussi dangereux.
    Nous progressâmes vers le nord, en direction du château que j’avais aperçu de loin. Je pouvais voir le sommet des tours au-dessus des maisons à deux étages qui s’entassaient les unes contre les autres. Comme à Cahors, le rez-de-chaussée abritait un atelier ou une boutique où s’affairaient des artisans. Les rues étroites nous obligèrent à avancer deux par deux. Sur ma gauche, je vis une église massive et basse qui dégageait une vague impression de lourdeur. Je ne lui accordai aucune attention, d’abord parce que les lieux du culte ne me disaient rien, mais surtout parce que j’étais préoccupé par le château que l’on approchait. Je savais que je devrais bientôt faire face au diable incarné.
    Le cœur battant, je vis l’édifice se profiler au bout d’une place que je devinai être l’endroit où Montfort avait organisé le bûcher sur lequel il avait prétendu brûler mon cadavre. Le regard satisfait que Guy m’adressa, en tête du convoi, me confirma que ma déduction était exacte. Je me contentai de me désigner moi-même des mains, pour lui signifier que j’étais toujours vivant et qu’il serait bien avisé de continuer à se méfier de moi s’il voulait conserver ses tripes à leur place. Il se retourna aussitôt, vexé, et se redressa fièrement sur sa selle. Après tout, ce moment était sans doute le plus important de sa vie. Le seul, peut-être, où il recevrait l’approbation de son père. La misérable femmelette revenait de mission et était victorieuse. Malgré mes bravades, j’étais le prisonnier, et c’était Guy qui, avec son oncle et sa tante, me ramenait.
    Le château qui avait appartenu aux vicomtes Trencavel était l’un des plus majestueux que j’avais vus dans ma vie. Adossé à l’enceinte, il la longeait sur toute sa longueur. Il était lui-même protégé par un muret orné de créneaux et parsemé de tourelles fortifiées aux toits en pointe. De l’extérieur, je pouvais voir qu’il était composé de plusieurs corps de logis de construction et d’allure variées. Pour bien marquer le fait qu’il en était l’occupant, Montfort avait fait suspendre aux créneaux des fanions rouge et blanc - les couleurs de la livrée que j’avais dû porter. Ils flottaient dans la brise, donnant à

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