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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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remettais de la blessure causée par le carreau d’arbalète. Quand mon amie m’avait avoué qu’elle était hérétique, j’avais ressenti mon premier frisson de sympathie pour la cause des cathares. Par la suite, plus rien ne fut pareil. Grâce au récit de mon amie, je connaissais les détails de la chute de Carcassonne. La muraille résistant au siège, Montfort avait affamé et assoiffé les habitants pendant deux longues semaines. La courageuse résistance organisée par le jeune vicomte de l’endroit, Roger Raymond Trencavel, s’était avérée efficace, mais avait été déjouée par les mensonges d’Amaury. Acceptant naïvement le sauf-conduit offert par ce dernier pour sortir de la cité et se rendre négocier une reddition qui épargnerait la vie de la population, il n’était jamais ressorti du camp des croisés. Par la suite, tout s’était écroulé. Les habitants autorisés à quitter la ville avaient été abandonnés dans la nature, privés de vivres. La plupart en étaient morts. Quant à Trencavel, il était resté enchaîné dans son propre donjon jusqu’à ce qu’il y expire, de maladie ou de mauvais traitements, on ne le saurait jamais.
    Puis Montfort était devenu le nouveau vicomte de Carcassonne, ce qui n’était rien de moins qu’un sacrilège. À cette pensée, je m’interrompis, étonné. Je réalisais que ma loyauté envers les cathares dépassait la sympathie et la prise de position. Sans partager entièrement leur foi, sans avoir reçu le consolamentum, je me sentais presque cathare. Je n’en avais pas eu connaissance, mais leur vision de l’existence s’était insinuée en moi. Plus significatif encore, je ne me sentais plus du tout chrétien.
    Le mur, entouré d’un profond fossé, était fait de grosses pierres liées par un solide mortier. À intervalles réguliers, les moellons trônaient à son sommet. J’avais peine à imaginer l’équipe de maçons intrépides qui parviendrait à le percer sous la protection précaire d’une chatte, comme j’avais vu les croisés le faire à Toulouse. Les solides tours, hautes de cinq à six toises, étaient pourvues de larges ouvertures cintrées et équipées de volets à bascule qui permettaient aux soldats d’utiliser efficacement arcs et arbalètes tout en les protégeant au besoin. Leur toit était couvert de tuiles de plâtre résistantes au feu. Malgré ma situation, je ne pouvais m’empêcher d’admirer ce magnifique travail de fortification et j’eus une pensée pour Bertrand de Montbard, qui en aurait assurément apprécié le génie.
    Lorsque nous approchâmes, les portes s’ouvrirent devant l’étendard de des Barres. Nous entrâmes sans être inquiétés, sous le regard indifférent de gardes qui avaient l’habitude de voir défiler des escadrons de croisés. Une fois à l’intérieur, la première chose que je constatai fut que les tours que j’avais observées de l’extérieur étaient en forme de fer à cheval et non pas pleines, ce qui permettait de s’y poster sans avoir à entrer dans un bâtiment fermé et à gravir des escaliers intérieurs. Il suffisait de monter sur des échelles pour atteindre les paliers et être prêts à défendre la cité.
    Autour de nous, la ville se déployait, vivante et active. Les gens déambulaient, certains d’un pas pressé, d’autres à loisir. De temps à autre, des curieux levaient la tête pour me dévisager, intrigués par mes chaînes et l’escorte dont je bénéficiais. Ils m’examinaient un instant avant de se désintéresser, sans doute habitués à voir défiler les prisonniers de Montfort. Les rues étaient remplies de voix, d’odeurs, de sons. Çà et là, des troubadours chantaient, s’accompagnant au luth, au milieu de dames et de demoiselles que leurs mots doux enchantaient. L’endroit était débordant de vie. Près de la muraille se tenait un marché occupé par des commerçants, derrière leurs étals et leurs tréteaux, négociant ferme avec leurs clients des légumes, des chaudrons, des tissus et d’autres biens. Les marchands qui nous suivaient toujours délaissèrent aussitôt le convoi pour les rejoindre et tenter de se délester de ce qu’ils n’avaient pas réussi à nous vendre au cours du voyage.
    J’observai la scène, davantage pour distraire mon esprit et maîtriser ma nervosité que par intérêt. Personne ne faisait attention à nous. Malgré le changement de maître, la vie de la cité semblait normale. Mon regard

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