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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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connaissance du corps humain. Il se l’appropria sans le moindre scrupule. Il la débita à la hâte, soucieux de ne pas impatienter le maître des lieux, qui n’était pas homme à s’intéresser longtemps aux choses de l’esprit.
    —    Alors je. je vois. Jésus, balbutia Montfort, lorsque le moine se tut enfin. Et il était vraiment vivant ? Tu es certain de cela ?
    —    Tout à fait, sire, répondit Guillot, plein de lui-même. Nous avons suivi la trace laissée par les familles fondatrices à Gisors, jusque dans une chapelle souterraine remplie de grands périls que j’ai réussi à nous éviter, ajouta-t-il en bombant le torse.
    L’animal s’attribuait tout le mérite de la découverte, alors qu’au mieux il y avait vaguement contribué. Sans Pernelle, nous aurions été brûlés vifs bien avant d’arriver à l’autel. Les dents serrées, je me promis de lui faire regretter sa superbe à la première occasion.
    —    Un document de la main de Joseph d’Arimathie accompagnait le suaire, sire, ainsi qu’une note laissée par un templier nommé Baroche.
    Il fouilla dans la cassette et tendit les documents à Montfort, qui les lut attentivement en pâlissant encore davantage.
    —    Comme vous le constatez de visu, ceci confirme la nature et l’importance du suaire pour les hérétiques, sire, reprit Guillot. Aucun doute n’est possible : il s’agit de celui dans lequel Jésus a été enveloppé à sa descente de la croix. Et il en a été sorti bien vivant.
    —    Ces Templiers jouent sans cesse double jeu, gronda Montfort. Un jour, j’aimerais que Sa Sainteté Innocent voie la lumière et me permette de leur faire leur affaire.
    Je ne pus m’empêcher de sourire. J’avais connu des templiers. Des vrais. Malgré son talent et sa sauvagerie, Montfort ne serait jamais de taille contre eux.
    —    Ils te tanneraient les fesses une main derrière le dos, ne pus-je m’empêcher de dire.
    —    Silence ! rétorqua-t-il.
    Il reporta son regard sur le suaire.
    —    Par le cul poilu de Satan. murmura-t-il, se passant une main sur le visage. Ainsi donc, c’était vrai. Par tous les saints du paradis. Je le sais depuis longtemps, mais le voir.
    Il tendit le parchemin à l’homme qui se tenait sur sa droite. L’inconnu sortit la dextre de sous sa cape pour le saisir et le mouvement du vêtement envoya jusqu’à moi des relents de parfum. Alors que j’essayais de me rappeler où j’avais humé cette odeur de courtisane, mon attention se porta sur sa main et mon cœur s’arrêta de battre un instant. Le majeur était orné d’un gros rubis écarlate qui scintillait dans la lumière des flammes. Une seule fois dans ma vie, j’avais vu une pierre précieuse de cette taille.
    Je n’avais plus besoin de voir son visage pour savoir qui se cachait sous ce capuchon. J’étais en présence d’Arnaud Amaury, l’ignoble légat du pape Innocent III. L’homme qui avait ordonné sans sourciller le massacre de Béziers. Cædite eos. Novit enim Dominus qui sunt eius 3 , avait-il dit. Et tous avaient obéi aveuglément. Au moins vingt mille innocents avaient péri au fil de l’épée. Par mon épée, comme par celle des autres. Au fond, le fait que le légat soit présent n’aurait pas dû me surprendre. Il était le représentant légitime du pape et de l’Église chrétienne dans le Sud. Il était normal qu’il vienne récupérer lui-même la seconde part de la Vérité. Il ne serait pas absent pour ce moment attendu depuis si longtemps par tant de papes. La victoire était encore partielle, mais elle serait bientôt complète. Sans doute allait-il prendre charge de la cassette pour courir jusqu’à Rome et la remettre à son maître.
    Il lut attentivement le texte de Joseph d’Arimathie, puis consulta plus brièvement la note de Baroche avant de rendre le tout à Montfort et d’acquiescer discrètement de la tête.
    —    Nul besoin de te masquer ainsi, Arnaud, dis-je.
    Le légat parut surpris et hésita une seconde. Il haussa les épaules avec nonchalance et rabattit son capuchon, dévoilant ses cheveux gris bouclés et sa barbe soigneusement taillée. Puis il m’adressa sa salutation la plus courtoise.
    —    Sire Gondemar, dit-il de sa voix mielleuse. Si j’avais su, quand tu t’es présenté sous ma tente en compagnie d’Evrart de Nanteroi, que tu deviendrais une telle épine au pied de Sa Sainteté Innocent, je t’aurais fait occire

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