Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Titel: Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Luminet
Vom Netzwerk:
le choix, il lui fallait combattre. Entraînant avec lui ses légions amollies et la flotte de Cléopâtre, il traversa la mer pour aller affronter son ennemi devant Actium, un piton rocheux, théâtre de bataille choisi par Octave. Bientôt, Marc Antoine fut pris dans une nasse. Rien n’était encore perdu quand il vit le navire de sa reine forcer le barrage et brasser en fuite. La place de l’Égyptienne n’était pas ici, parmi ces Romains, mais dans son royaume, auprès de son fils. Éperdu de désespoir amoureux, Marc Antoine, ce guerrier farouche qui n’avait jamais reculé devant le danger, déserta. Laissant son armée et sa flotte, il la suivit, comme un chien suit une chienne en abandonnant au loup son troupeau.
    Sa flotte se rendit sans combattre et participa à la poursuite. Bientôt, l’armée romaine fut sous les murs d’Alexandrie. Marc Antoine se suicida sans avoir revu la femme pour laquelle il avait tout renié, sans avoir compris que ce n’était pas une femme qu’il avait aimée, mais une reine.
    Octave envoya dans la citadelle assiégée un de ses émissaires, qui fit à Cléopâtre mille et une promesses de clémence. Elle n’en crut qu’une : son fils Césarion serait épargné et monterait sur le trône des Lagides, sous le nom de Ptolémée XV et la protection de Rome. Après que l’émissaire romain fut reparti, elle saisit dans son panier le venimeux serpent sacré d’Ammon-Râ et le pressa sur son sein. Par ce geste, elle devint déesse, et immortelle.

Où Amrou appelle à l’aide
    — Non seulement ce Marc Antoine était un rustre, mais en plus c’était un traître, dit Amrou sans cesser de caresser de son pouce un petit astrolabe qu’il tenait en main. Je sacrifierais ma vie à ta beauté, Hypatie, mais quand bien même serais-tu reine d’Alexandrie, jamais je ne renierais ma foi ni ma patrie. D’ailleurs, si je le faisais, je perdrais en plus ton estime.
    — Je ne te demande rien de tout cela, général. Je te supplie seulement d’épargner le plus bel enfant d’Alexandrie : sa Bibliothèque.
    — Philopon n’a pas fini son histoire, répliqua l’émir dépité par le ton de froideur de la jeune femme. Octave a-t-il épargné le jeune Césarion ?
    — Non. Il ne tint pas sa promesse, répondit Philopon. Il le fit tuer. Mais c’est plutôt l’Histoire qui élimina cet enfant. Elle n’avait plus rien à faire avec les Ptolémées. L’Égypte devint province romaine ; la république devint empire ; Octave devint Auguste ; la Bibliothèque et le Musée devinrent propriétés de Rome. Désormais, l’empereur lui-même nomma le bibliothécaire, rebaptisé « grand-prêtre des livres ». L’Égypte n’était plus. La Bibliothèque seule a perduré jusqu’à nos jours. Et Rome a régné sur le monde pendant cinq siècles.
    — Sur votre monde, rappela Amrou, mais pas sur le mien. Et je sais des empires, au Levant, d’où nous viennent la soie et les épices, des empires bien plus puissants et plus pérennes que Rome.
    — Si tu veux les conquérir eux aussi au nom de ton dieu, ironisa Rhazès, hâte-toi ! Nombre de mes coreligionnaires sont déjà sur place, à l’ouvrage. Nombre de chrétiens, aussi. Il n’y a pas que de la soie et des épices, en Inde et en Chine. Il y a également des livres. Alexandre en rapporta certains. Mais surtout, si tu veux en savoir plus sur tes futures conquêtes, il existe quelque part une armoire pleine d’ouvrages de géographes qui en parlent. Cela pourra t’être utile. À moins que l’Asie tout entière ne soit déjà décrite dans ton Coran.
    — Cesse donc de persifler, éternel moqueur ! Aide-moi plutôt à faire plier mon calife. Si je lui raconte la fin abjecte de Marc Antoine, je le conforterais dans son idée que, hors de l’Arabie, tout n’est que perversion et œuvre du démon. Craignant que mes Bédouins et moi ne nous y vautrions, il m’ordonnera de raser votre cité.
    — Fais-lui donc miroiter le destin d’Auguste, dit Philopon. Quel homme de pouvoir résisterait à cette tentation ?
    — Hélas, tu ne le connais pas. Sa haine de l’étranger, sa peur du savoir lui tiennent lieu de foi. Le principal trésor qu’il convoite, ce sont les âmes à convertir, de gré ou de force. Il les comptabilise comme un commis ses fèves. Il se croit pur comme un diamant ; mais, pour arriver à ses fins, toutes les fourberies lui sont bonnes. Pour que la vraie foi triomphe, il serait capable de

Weitere Kostenlose Bücher