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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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l’un ni l’autre. Charles Quint trouva
Marguerite quelconque et sans charme, tandis qu’elle fut glacée de peur et de
répulsion devant ce maigre jeune homme tout habillé de velours noir. Il la
conduisit lui-même auprès de son frère et, sans un mot, repartit aussitôt pour
Tolède.
    Marguerite ne quitta pas François ni de jour ni de nuit, lui
prodiguant tous les soins possibles et imaginables, lui apportant le plus
tendre des secours destinés à ranimer son courage durement éprouvé par la plus
cruelle des défaites et par une incarcération inhumaine. Mais François ne
reprenait pas connaissance et semblait plongé dans une complète insensibilité.
Voyant qu’aucun remède humain n’avait d’effet bénéfique, elle fit dresser un
autel de fortune dans la cellule où l’archevêque d’Embrun, venu en ambassade,
célébra la messe pour l’agonisant. Le roi ouvrit les yeux quand on lui présenta
le saint sacrement et demanda l’hostie. Il ne put l’avaler et s’étrangla si
fort que l’abcès creva d’un coup, s’ouvrant tout en dehors. Au bout d’une
semaine de soins, il avait recouvré le dormir, le boire et le manger. Il était
sauvé et put espérer une complète guérison après une longue convalescence.
    Marguerite, rassurée, en profita pour se rendre à Tolède où
Charles Quint la reçut avec courtoisie. La duchesse eut beau argumenter et user
de tous ses charmes, rien n’y fît. L’empereur, tout en restant d’une parfaite
galanterie, prétendit que les espérances de liberté prodiguées à
François I er n’étaient que pour délivrer le roi de la mort, et
il ne rabattit aucune de ses exigences.
    Marguerite proposa la renonciation aux souverainetés
d’Italie, une importante rançon royale, le mariage de son frère avec la sœur de
l’empereur et le sien avec lui-même. Il changea brusquement de ton, et loin de
la considérer comme sa fiancée, il lui dit qu’elle avait entrepris à tort ce
long voyage, qu’elle n’avait pas le pouvoir de traiter avec lui et qu’elle
devait regagner la France sans tarder. François I er restait
donc prisonnier et pour longtemps. C’est en venant faire des adieux déchirants
à son frère que Marguerite me vit, au pied de la tour, attendant toujours de
pouvoir rendre visite à mon roi. Plusieurs fois j’avais été fermement refoulé
et j’avais dû encore à la corpulence dissuasive de mon frère de ne pas être
plus gravement rudoyé. La duchesse me promit d’avertir le roi qui
interviendrait pour m’obtenir un laissez-passer. Après le départ de Marguerite
pour la France, je tentai une nouvelle fois de m’introduire dans le donjon mais
les ordres de Charles Quint étaient formels : aucune visite autorisée. Je
pus néanmoins apercevoir le visage fatigué de « mon cousin » qui
s’encadrait dans l’étroite fenêtre grillagée tout au haut de la tour, agitant
doucement sa main en signe de remerciement, d’impuissance et de tristesse.
Sachant que nous n’obtiendrions jamais le droit de visite que nous avions tant
espéré, Nicolas et moi regagnâmes notre pays, orphelin, tout comme nous, du roi
de France.
    L’automne passa, puis l’hiver vint. François, maintenant
rétabli mais toujours très faible, s’étiolait entre ses quatre murs. Il avait
décidé d’abdiquer en faveur de son fils, le dauphin, mais le Parlement avait
justement refusé d’enregistrer son abdication. Toutes les cours d’Europe et même
le pape, s’étaient émus du sort déplorable réservé à ce royal prisonnier et
suppliaient Charles Quint d’adoucir sa détention. Les seigneurs d’Aragon et de
Castille murmuraient : « Il ne manquera pas d’Espagnols pour ouvrir
au roi la porte de sa prison. »
    L’empereur, toujours inflexible, se rendit compte que le
monde menaçait de se soulever contre lui, et décida de signer un traité où il
exigeait toujours l’Italie, la Provence, la suzeraineté de Flandre et de
l’Artois avec une quantité d’autres territoires incluant la Bourgogne. Enfin,
il offrait en dot à sa sœur Éléonore, si elle épousait le roi de France, les
comtés de Mâcon et d’Auxerre qui reviendraient à sa mort à la maison
d’Autriche.
    Éléonore, comme toutes les Espagnoles, était amoureuse de
François I er . Elle ne se fit pas prier pour accepter d’épouser
le beau roi captif qui, plutôt partisan de la grande beauté féminine et en
étant privé depuis plusieurs mois, se contenta de cette femme noire

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