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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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devises :
«  Non mudera ! (Je ne changerai pas !) Potius
mori quam foedari ! (Plutôt la mort qu’une souillure !) »
    Ses clameurs de reine déshonorée, de duchesse bafouée, de
femme humiliée, d’amoureuse délaissée étaient d’une telle ampleur que les murs
du château eux-mêmes ne résistèrent pas à tant de douleur et se mirent à
suinter de chagrin.
    C’en était trop pour mon pauvre roi malade qui, dans un
désir de paix et de repos, accepta de convoquer le maréchal et de lui lire
l’acte d’accusation qui comprenait : le projet d’arrestation de la reine
Anne et de sa fille Claude, la séquestration de François de Valois au château
d’Angers, son désir de s’emparer du duché de Bretagne, toutes les dispositions
prises au début de la maladie du roi et enfin – griotte sur la
gaufrette ! – son secret espoir de s’emparer de la couronne.
    Devant de telles inepties, Gié ne put que clamer son
innocence. Il rappela sa fidélité à la couronne de France et les services
rendus au royaume depuis plus de trente années puis prit congé du roi, bien
décidé à en découdre avec ses détracteurs. Mais ce belliqueux combattant que
rien n’effrayait sur un champ de bataille céda à une indignation si violente
qu’elle le poussa à quitter brusquement la cour. Ce fut là son grand tort. Son
départ fut aussitôt interprété comme une fuite et comme l’aveu de sa culpabilité.
Il ne faut jamais laisser le champ libre aux adversaires, surtout quand ceux-ci
sont animés d’une motivation voisine de l’acharnement.
    Le cauteleux Georges d’Amboise, se refusant à procéder
lui-même aux interrogatoires des témoins, voulut charger le chancelier de
France Gui de Rochefort de prendre sa place. Ce dernier savait pertinemment que
les accusations n’étaient qu’un tissu de mensonges et des règlements de comptes
de basse vengeance. Connu pour la brutalité de ses réactions, il étonna tout le
monde en se dérobant habilement et en suggérant au cardinal de désigner deux
magistrats plus aptes que lui à remplir cette délicate besogne. Par un étrange
hasard, deux protégés de la reine furent choisis et se mirent en quête de
témoignages accablant Gié. Ils en récoltèrent un bon nombre, tous colporteurs
d’infâmes ragots qui marquaient trop la flagrance d’une haine avérée envers le
maréchal.
    Il y eut deux surprises de taille : d’abord le
désistement de Pontbriand craignant quelque vengeance qu’il aurait bien méritée,
ensuite l’audition de Louise de Savoie. On pensa qu’elle allait défendre le
gouverneur de son fils, erreur ! De peur d’être compromise et n’ayant pas
oublié ses avances importunes, elle chargea le maréchal dans le dessein
industrieux de se rapprocher de la reine. Elle ne put rapporter que des propos
de table et de couloir, des réflexions glanées ici ou là, mais elle sut le
faire avec une telle habileté que l’on ne pouvait pas les interpréter sans une
certaine ambiguïté. Maigres résultats ! Dossier pratiquement vide !
Pas de quoi entamer une procédure. Voici deux magistrats bien embarrassés, un
Georges d’Amboise passablement gêné et une Anne en fureur. Que faire ?
    La décision de poursuivre l’instruction appartenait au roi
seul. Qu’à cela ne tienne, c’était mal connaître l’obstination de la reine qui,
loin d’avoir dit son dernier mot, n’était pas femme à s’avouer vaincue.
    Quant à moi, c’est au début de l’été que je retrouvai ma
place auprès de mon roi. Je lui faisais exclusivement la lecture. Il adorait les
pièces de théâtre de Plaute. Il est vrai que je mettais une ardeur passionnée à
camper tous les personnages, ce qui le transportait de joie et ses
applaudissements spontanés pareils à ceux d’un enfant devant un montreur de
singes me remplissaient de bonheur. J’avais maintenant la noble charge de
bouffon curatif et je le soignais mieux qu’aucun remède ne l’aurait fait.
    Vers la fin du mois de juillet, Louis XII finit par
signer les lettres patentes instituant une commission d’enquête sur le maréchal
de Gié.
    On annonça la reine qui, ce jour-là, avait opté pour une
attitude bien différente de celle des autres entretiens. Dans une robe noire de
velours fermée jusqu’au haut du col, sans aucun bijou, seulement un crucifix au
bout d’une fine chaîne d’or, elle affichait un visage fermé aux yeux plissés et
à la bouche pincée. Seules ses mains trahissaient

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