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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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sordide devint divin grâce
à l’image somptueuse qui m’apparut quand je fermai les yeux : le corps
parfait de Thomassina, la belle Génoise, qui s’était imprimé depuis cinq années
dans toute sa splendeur au fin fond de mon cerveau. Et ma jouissance fut un pur
ravissement au lieu d’être un simple soulagement.
    Vint ensuite le dégoût, non pas de la matrone mais de
moi-même. Je me promis de prendre sur moi désormais, de ne plus m’écarter de
mon plaisir solitaire et surtout de ne plus rêver à la bagatelle. J’ai dû même
songer une fraction de seconde à couper cet organe « pendouilleur et
frétilleur » qui m’occupait trop l’esprit.
    Je compris pourquoi Louis était parfois esclave des pulsions
que lui donnait sa verge et, fût-elle royale, elle avait le même ascendant pour
annihiler les facultés mentales et fausser tout raisonnement.
    En me désignant un tabouret pour m’asseoir devant une
assiette fumante de viande et de légumes, comme si elle avait deviné ce que je
voulais lui demander, la matrone devança ma question :
    « Je m’appelle Rosa Caron. Je suis native de Chançay
près d’Amboise. J’ai été mariée à un riche marchand dès l’âge de douze ans. Il
me battait, me violait, je lui ai échappé un jour de foire en m’enfuyant cachée
dans une carriole de bohémiens. Ils m’ont traitée comme une des leurs et j’ai
voyagé en leur compagnie jusque fort loin de notre royaume de France. J’ai
beaucoup appris avec eux mais j’ai surtout hérité des secrets d’une vieille
gitane. Je m’étais toujours juré de revenir me venger de ce marchand qui avait
massacré ma jeunesse. Il y a quelques années, j’étais de retour à Amboise pour
retrouver mon cher époux qui habitait toujours la même maison. Son commerce
avait prospéré et il avait épousé une toute jeune femme à qui il avait dû faire
subir les mêmes sévices qu’à moi. Elle lui avait néanmoins donné six enfants. J’ai
observé sa vie pendant plusieurs semaines et j’ai attendu le moment propice
pour le surprendre. Il était en train de soulager un besoin naturel tout au
fond de son jardin dans des latrines immondes et puantes. Je lui ai planté un
couteau qui lui a crevé son énorme panse. Comme il hurlait comme un goret qu’on
égorge, je lui ai plongé la tête dans ses excréments en la maintenant jusqu’à
ce qu’il fût inerte. Je lui ai offert l’insigne faveur de mourir dans son
élément. Ses cris de gros porc avaient attiré le voisinage, je n’ai eu que le
temps de m’enfuir à toutes jambes sans savoir où j’allais. J’ai marché des
jours et des nuits et j’ai fini par me trouver au creux de la forêt de Blois
devant cette masure où tu m’as dénichée. Un vieil ermite vivait là depuis toujours.
Je suis restée avec lui jusqu’à sa mort en illuminant ses dernières années. Il
m’a appris beaucoup de choses qui complétèrent l’enseignement de la vieille
gitane. Mon corps s’était transformé, je suis devenue méconnaissable pour qui
se souvenait encore de la pure et fragile Rosa Caron. J’ai pu me rendre dans
tous les marchés des environs et y vendre des remèdes qui guérissaient bien
mieux que les potions des charlatans ou autres médecins notoires. Je me suis
bientôt fait une solide réputation de guérisseuse. Certains me traitent de
sorcière et me craignent. Ils se signent sur mon passage. Je me méfie d’eux,
ils sont propres à me dénoncer comme suppôt de Satan et seraient satisfaits de
me voir sur un bûcher hurler au milieu des flammes. Je prends mille précautions
quand je vais visiter une personne malade dans les fermes alentour et je sais
disparaître quand il le faut. Personne ne sait où et comment je vis, à part
toi. J’ai un remède pour chaque mal, j’en ai aussi pour ne plus en avoir. Je
sais aussi bien mettre au monde les enfants qu’empêcher qu’ils grossissent dans
le ventre. Tu n’as donc rien à craindre pour ta descendance ! Je n’aurais
de toute façon pas permis de mettre au monde un rejeton qui te ressemblât. Tu
es rassasié de nourriture, de déchargement et de confidences ? Tu peux
t’en aller maintenant. Prends cette fiole. Elle te servira sûrement un jour.
C’est un savant mélange de corroyère à feuille de myrte, de graines de capucin,
de moelle de fougère mâle et de racines de brione pilées. Tu mêles cette poudre
à du vin et la personne qui boira cette mixture va pisser sans source tarir,
péter,

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