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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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Elle
félicita les auteurs pour leur bonne humeur qui savait distraire si
agréablement l’auguste assistance et elle les gratifia d’une belle somme en or
qui suscita au quatuor bien accordé une démonstration de courbettes serviles et
une abondance de promesses louangeuses dans leurs prochains ouvrages consacrés
uniquement à leur « douce et charitable reine ».
    Louis, qui dévorait les légendes chevaleresques des
chevaliers du Moyen-Âge en s’imaginant être le roi Arthur et fort de ses
victoires militaires suivies de ses entrées cérémonieuses dans les principales
villes du royaume, finissait par se prendre réellement pour un empereur romain
de la veine du grand César ou de l’empereur Auguste. Il poussa la vanité
jusqu’à se faire « buster » en armure romaine all’antica par
le sculpteur italien Lorenzo de Mugiano. Au bas de chaque frontispice ou de
chaque peinture était gravé : «  Force impériale », «  Gloire
victorieuse  », «  Rex belli  » ou «  Rex
imperator  ». Cette apothéose lui triturait parfois les méninges et on
ne pouvait pas lui en vouloir de songer à devenir empereur mais son souci de
bien gérer son royaume le ramenait immédiatement à la raison.
    Le peuple lui en a été toujours reconnaissant, ne serait-ce
que par l’intermédiaire de Pierre Gringore, devenu l’auteur populaire par
excellence. Dans Les Abus du monde, il représente le roi entouré de deux
dames, à sa droite la Justice, les yeux bandés et les mains liées, et à sa
gauche la Cour, avec un glaive et une balance. Au pied du roi, un homme,
Jugement, tenant un rouleau de papier, s’adresse à lui :
     
    Tu fais régner
la sacree majeste
    Du magnanime en
son auctorite
    Portant ceptre
et royalle couronne
    Car sans justice
et magnanimité
    Ne regneroit,
c’est pure vérité.
     
    Le 22 avril 1509, le roi Henry VII d’Angleterre
meurt, et son fils Henry, huitième du nom, monte sur le trône. La réputation de
ce beau garçon de dix-huit ans trousseur de jupes avait largement traversé la
Manche et j’eus une nouvelle nuit blanche agitée de prémonitions. Le lendemain
matin, je fis part de mes craintes à mon roi : « Celui-là va nous
causer du souci ! »
    Il opina de la couronne. Tout comme moi, il s’attendait sous
peu à une manifestation hostile de la part du nouveau roi anglais.
Contrairement à nos présomptions, il ne sera pas le premier à perturber
« notre règne ». Ce fut notre « guerrier-pape »
Jules II, fort de sa haine viscérale pour Louis XII et pour la
France, prenant comme outrages personnels l’établissement des Français en
Italie, qui déclenchera les hostilités. Cet homme de soixante ans, qui
ressemblait comme deux gouttes de marbre au Moïse de Michel-Ange, était aussi
violent qu’intelligent, ce qui n’est pas peu dire. Il était plus à l’aise en
armure qu’en soutane. Il ne ressemblait pas du tout à ses prédécesseurs et
fuyait la pompeuse apparence des rouges prélats, juchés sur leurs mules et
semant la parole de Dieu uniquement s’ils étaient certains que la récolte
serait abondante et augmenterait leur inépuisable enrichissement.
    Je me suis posé la question et me la pose encore :
quand le pape Jules II prenait les armes au nom de la Chrétienté, y
avait-il encore quelque chose de sacré ? À cette époque, pas le temps de
trouver une réponse, la guerre étant clairement déclarée, il fallait donc
reprendre les armes. Tous les conseillers de Louis, sans exception, le
mettaient en garde contre les fâcheuses conséquences d’une nouvelle expédition
en Italie. Il leur répondait inlassablement :
    « Il faut exporter la guerre pour avoir la paix chez
soi ! » Et il ajoutait en guise de conclusion :
    « L’honneur le vault, justice l’ordonne ! »
    Une fois de plus, je suis astreint à escorter mon roi à la
guerre. Il ne veut plus partir en campagne sans que je sois à ses côtés, avant
et après la bataille, cela s’entend !
     
    Beau Sire,
    Tu veux que
je t’accompagne
    Dans toutes
tes campagnes
    Parce que ta
douce compagne
    Me poursuit
de sa hargne
    Et
m’enverrait jusqu’en Romagne
    Pourvu que de
ma vue je l’épargne.
     
    Je fus donc contraint de le suivre non pas jusqu’en Romagne,
mais dans son expédition contre les Vénitiens, au siège de Preschiera plus
précisément. Jean Marot, pour une fois, avait été obligé de délaisser « sa
reine adorée », qu’il venait de glorifier

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