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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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confia l’organisation des obsèques de la reine Anne.
    Il les voulait dignes de celle qu’il avait perdue,
c’est-à-dire dépassant en éclat et en majesté toutes les funérailles qui
eussent jamais été célébrées.
    Conformément à ses dernières volontés, le corps de la reine
fut embaumé afin qu’il reposât dans la basilique de Saint-Denis. Son cœur fut
séparé des viscères puis enfermé dans une urne d’or d’un mètre et demi de
hauteur, portant cette inscription gravée sur un émail vert :
     
    En ce petit
vaisseau
    De fin or pur et
munde
    Repose ung plus
grand cueur
    Que oncque dame
eut au munde
    Anne fut le nom
d’elle
    En France deux
fois roine
    Duchesse des
Bretons
    Royale et
souveraine.
     
    L’urne fut emportée à Nantes et placée dans la tombe de ses
parents.
    Jean Perréal reçut la charge de réaliser tous les ensembles
décoratifs qui serviraient aux obsèques.
    Le corps d’Anne dont le visage était resté intact grâce à
l’embaumement fut exposé dans une grande salle du château. Elle était en habits
royaux tissés de pourpre et d’or et bordés d’hermine avec tous ses attributs de
reine de France et duchesse de Bretagne. Durant trois semaines, des religieux
se relayaient jour et nuit sans cesser de psalmodier et de prier pendant que
toute la cour défilait en pleurs devant la dépouille royale car ce fut
seulement le 4 février qu’elle quitta Blois pour gagner la capitale. Le
char funèbre tiré par six chevaux caparaçonnés de satin noir et blanc
transportant le corps de la reine mit dix jours pour atteindre le portail de
Notre-Dame de Paris. Une foule immense s’était recueillie au passage de
l’imposant cortège. À l’intérieur de la cathédrale, toute tendue de draps noirs
sur lesquels étaient cousus des écussons aux armes de la reine, trois mille
cierges brasillaient. Guillaume Parvy prononça un émouvant éloge funèbre qui
s’acheva sur ces deux phrases qui étonnèrent, sans toutefois altérer l’émotion
qui avait envahi tous les cœurs :
    « Elle a connu une fin digne de ses ancêtres. Je jure
devant vous que je l’ai confessée, communiée, administrée et qu’elle a rejoint
le royaume de Dieu sans avoir commis un seul péché mortel. »
    Le jeudi 16 février, le corps d’Anne de Bretagne, reine
de France, fut descendu dans la crypte des rois, pour dormir en paix sous la
protection de saint Denis et de ses compagnons martyrs. Ce fut le moment où
Bretagne, revêtu de la cotte d’armes, s’avança au-devant du chœur de la
basilique et s’écria :
    «  La reine très chrétienne, duchesse, notre
souveraine dame et maîtresse est morte ! La Reine est morte ! La
Reine est morte ! »
    Tout vêtu de noir, je me tenais appuyé à un des lourds
piliers de la basilique, regardant avec une profonde tristesse mon roi qui
enserrait de ses bras le cercueil où reposait sa chère Anne en versant des
torrents de larmes et en gémissant :
    «  Devant que soit l’an passé, je seray avecques elle
et luy tiendrai compaignie ! »
    De toutes les douleurs qui avaient frappé chacun de nous
dans le royaume, celle de Louis fut la plus sincère et sembla ne jamais prendre
fin.
    Il était si affligé que, huit jours durant, il ne fit que
larmoyer, répétant inlassablement qu’il souhaitait que Dieu le rappelât à lui
pour aller rejoindre au plus tôt son Anne adorée, la douce compagne de ses plus
beaux jours.
    À le voir dans ce désespoir le plus total, je le crus
inconsolable et me demandais comment il était possible de tant pleurer sans
jamais larmes tarir.
    Pendant plusieurs semaines, aucune réjouissance ne fut bien
sûr autorisée dans toute l’étendue du royaume et cela faisait belle lurette que
l’on n’avait plus entendu ma belle marotte et mes sonnettes «  faisant
bruyt à merveille  ».
    Je me fis une raison et me rapprochai de plus en plus de
« mon cousin » qui n’avait pas l’obligation de partager aussi
longtemps un tel chagrin.
    Il venait d’atteindre sa vingtième année et mordait dans la
vie comme dans un fruit avec ses belles dents qui soulignaient merveilleusement
son sourire éclatant et charmeur. Son penchant envers le beau sexe donnait
grande inquiétude à sa mère et à sa sœur qui le surveillaient de près, sans
cesse sur le qui-vive pour quelque raison que ce fût. Depuis qu’il s’était
échappé de son berceau et que ses jambes s’étaient mises en marche, il leur
avait causé à maintes

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