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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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tard :
c’était le second fils de Laurent le Magnifique, un pur esthète de trente-huit
ans aimant l’art, la littérature et accessoirement la religion. Il s’appelait
Giovanni de Médicis et exercera son pontificat sous le nom de Léon X. Il
était cardinal à treize ans, mais pas encore prêtre. Il ne manqua pas de se
faire ordonner quatre jours après son élection. Il sera aussi bienveillant et
conciliant que Jules II avait été brutal et intraitable. Tout son
entourage le vénère, trop heureux de rester bien au chaud dans les palais
italiens au lieu de courir sous la neige et la mitraille. Il relève aussitôt
Louis XII de son excommunication et suspend l’interdit jeté sur la France
qui continue de subir défaite sur défaite, en particulier celle de Novare qui
fut désastreuse. Mais Louis, tant bien que mal, tient toujours son royaume où
chacun, du simple serf au grand seigneur, continue à le soutenir.
    C’est surtout chez les courtisans, qui portaient bien leur
nom tant leur obséquiosité rimait avec duplicité, que l’on commençait à
s’impatienter de la longévité du règne de mon roi et j’avais surpris certains
d’entre eux souhaiter qu’il ne tarde pas trop à passer l’arme à gauche. Ce sont
les mêmes qui venaient faire leur cour à « mon cousin » qui, lui,
avait trop d’éducation pour montrer la moindre impatience. Il faut dire qu’il
ne cachait point sa certitude de monter sur le trône de France. Il menait déjà
un train royal comprenant deux cents officiers, sans compter sa garde
personnelle.
    Il s’entourait également de musiciens et de peintres et
vivait dans un grand luxe, adorant les belles étoffes, les objets de prix et
les bijoux précieux. Ses dépenses dépassaient largement celles de son cousin et
futur beau-père qui ne se départait pas de son sens de l’économie. Je
l’entendais se plaindre :
    « Ce gros garçon gâtera tout ! »
    La reine en profitait pour lui répondre avec
acrimonie :
    « Je vous l’avais bien dit ! »
    Mais Louis estimait néanmoins qu’il valait mieux préserver
le royaume et ne supportait plus la moindre réflexion sur la résolution de sa
succession :
    «  Estimez-vous qu’il n’y ait point de différence que
votre fille commande à la Petite-Bretagne, sous l’autorité des rois de France,
ou qu’étant femme d’un très puissant roi elle jouisse des commodités d’un très
noble et florissant royaume ? Voulez-vous préférer le bât d’un âne à la
selle d’un cheval ? »
    Ce fut d’ailleurs le dernier sursaut de rébellion d’Anne de
Bretagne. Quelque temps plus tard, elle tomba gravement malade, atteinte de la
gravelle [3] , préférant souffrir le martyre plutôt
que d’ingurgiter les potions ordonnées par ses médecins.
    Sa méfiance envers eux, cette répugnance à exécuter leurs prescriptions
trahissaient la rancune qu’elle leur portait : ils avaient laissé mourir
ses quatre premiers enfants et, comme les plus simples femmes du peuple, Anne
les rendait responsables d’une impuissance qu’elle tenait pour ignorance ou
maladresse. Jean Marot pleurait et osait se plaindre :
    « Grand Dieu, si la reine succombe, que deviendrai-je,
moi, povret, mes enfants et ma femme ? »
    Les souffrances de sa reine le touchaient moins que la peur
panique de perdre sa protectrice. Il ne se sentait plus d’orgueil depuis qu’il
avait été « enluminé » par Jean Bourdichon agenouillé devant la reine
Anne et lui offrant un livre. Dès qu’elle se sentait mieux, quand s’éloignaient
les fortes fièvres qui l’épuisaient, il célébrait avec grandiloquence sa guérison
dans des odes toujours aussi flatteuses que melliflues.
    Je t’ai dit que je n’avais pas force affinités avec ma reine
et qu’elle ne m’avait jamais accepté, encore moins estimé. Dieu m’est témoin
que je n’ai jamais souhaité sa mort ni sa souffrance, ni même celles de qui que
ce soit. À la vue d’un être humain ou d’un animal qui souffrait, ma cervelle
s’encombrait d’écumes et d’embruns qui interdisaient à mes pensées de se
teinter d’une once d’ironie ou de malice.
    Le 9 janvier 1514, Anne de Bretagne, à la veille de ses
trente-sept ans, dans ce château de Blois où elle se sentait presque aussi bien
que dans sa Bretagne chérie, rendit son âme à Dieu. Elle mourut après d’atroces
souffrances qui lui avaient torturé les reins durant une année, à la suite du
pénible accouchement de

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