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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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son fils mort-né. Cette femme au destin unique fut deux
fois reine ! Une reine qui avait l’étoffe d’un autre roi.
    Durant ses derniers moments, elle était allongée dans un lit
immense, les mains jointes sur son ventre, tenant les deux sceptres de ses
sacres.
    Au-dessus d’elle, un dais aux armoiries de France et du
duché de Bretagne, d’un côté du lit quatre religieuses laissaient monter au
ciel leurs prières à peine balbutiées, de l’autre côté ses demoiselles
d’honneur en larmes dans une tenue encore plus sombre qu’à l’ordinaire et, au
pied du lit, agenouillés, les prélats du royaume. Au fond de la pièce au sol
carrelé, les barons bretons pâles, silencieux, figés, pareils à leurs propres
statues, masquaient l’immense cheminée où des bûches se consumaient en hautes
flammes. Et près de la fenêtre, mon roi, n’entendant plus rien, n’écoutant plus
rien, dont les sanglots hachaient la respiration. J’étais tout près de lui,
pelotonné dans un coin, mais il ne remarquait même plus ma présence. Étais-je
d’ailleurs à ma place ? J’en doutais fort : ma fonction était de
distraire, non de consoler.
    Avant de fermer les yeux pour toujours, Anne de Bretagne
confia noblement ses deux filles à celle qu’elle détestait le plus :
Louise de Savoie. Elle la fit appeler et lui dit :
    « Approchez, Louise, vous n’avez rien à craindre de
moi, je suis désormais sans pouvoir. Votre fils sera roi, je ne vous en veux
pas, bien que vous m’ayez manqué naguère.
    « Le roi a toujours voulu que Claude épouse votre fils,
elle l’épousera donc. Je voudrais me mettre d’accord avec vous sur quelques
détails.
    — Rien ne presse, ma cousine, seule votre guérison nous
importe.
    — Dieu vous entende, mais je n’ai plus beaucoup
d’espoir. Il est resté sourd à mes prières. C’est le prix à payer pour
l’insubordination de mon roi. Louise, je vous demande de veiller sur mes filles
quand je ne serai plus.
    — Comme si elles étaient miennes, ma cousine.
    — Particulièrement ma fille Renée qui n’a pas encore
quatre ans. Je n’entends point seulement que vous lui serviez de gouvernante,
mais je vous la donne et veux que vous lui soyez comme mère, remettant en elle
le même amour que vous portez à vos enfants. »
    Dès que Louise de Savoie eut quitté la chambre, on
introduisit Claude et Renée qui s’approchèrent doucement du lit de leur mère.
Quand elle les vit, Anne éclaira son visage pâle d’un sourire attendri. Elle
caressa avec peine les cheveux de Renée et fit signe du regard qu’on l’emmenât
vite hors de la pièce. Claude allait faire de même quand la main décharnée et
tremblante d’Anne prit celle de sa fille. La reine murmura :
    « Bientôt, vous serez duchesse de Bretagne. N’oubliez
jamais tout ce que je vous ai dit. Le roi votre père a toujours souhaité que
vous soyez reine de France. C’est une très lourde charge mais je sais que vous
en serez digne. Je vous bénis, ma très chère fille. Que Dieu vous garde en sa
toute bonté. »
    Claude se retira après avoir baisé la main de sa mère. C’est
à ce moment que Louis quitta la fenêtre pour se précipiter en pleurs aux pieds
de sa chère épouse. Il parvint à articuler :
    « Ma Brette, si vous me quittez, je n’y survivrai
pas. »
    Elle lui répondit avec lenteur :
    « Mon doux sire, vous survivrez, ne serait-ce que pour
vos filles et pour le royaume de France qui ont tant besoin de vous. Et ne
pleurez pas tant, laissez-moi partir dans la confiance et dans la paix du
Seigneur. Je sens que je ne vais pas tarder à me présenter devant lui. J’ai
toujours désiré être enterrée en Bretagne mais je sais que cela n’est pas
possible, mon corps reposera donc à Saint-Denis, mais je voudrais que mon cœur
soit déposé en l’église des Carmes à Nantes auprès de mes chers parents. J’ai
chargé Louise de Savoie de l’administration de mes biens personnels et de
l’éducation de Claude et de Renée. Mon doux ami, faites venir mon confesseur,
l’heure est proche de mon départ. »
    Tout le royaume de France fut en deuil. Les uns perdaient la
souveraine la plus sage, la plus clairvoyante et la plus habile, d’autres
vantaient sa piété, sa simplicité et sa bonté. Louis s’enferma pendant
plusieurs jours sans admettre personne auprès de lui, sinon son héraut d’armes
Pierre Choque, surnommé Bretagne – c’était de circonstance ! –,
auquel il

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