Le bouffon des rois
cœur
de la bataille. Il rayonnait de bonheur à la tête de cette imposante armée de
40 000 hommes. Il se rembrunit quelques instants quand un courrier
couvert de poussière nous rattrapa pour lui annoncer que la reine Claude venait
d’être accouchée d’une fille prénommée Louise. Il s’inquiéta de l’état de santé
de son épouse et de la nouveau-née avant de lancer avec un large sourire
retrouvé :
« Baste, le beau dauphin sera pour la prochaine
fois ! »
François I er , toujours à la tête de son
armée, surgit en Lombardie en passant par le difficile col de Larche, alors que
les Suisses l’attendaient aux passages les plus habituels. Le matin du
13 septembre, tandis que le camp bourdonnait, une voix domina le
tumulte :
« Qui m’aime me suive ! »
C’était le roi, dans son armure rutilante semée de fleurs de
lys, sur son grand destrier de bataille. Les Suisses arrivaient, en carrés
serrés, hérissés de piques, si pesants que la terre en tremblait. C’était une
mer humaine. Les décharges de l’artillerie ne semblaient pouvoir arrêter cette
marche terrible d’automates. Même la cavalerie royale se brisa sur cette masse.
L’infanterie perdait pied tandis que l’artillerie allait bientôt se faire
encercler. Le soir tombait, la bataille était sur le point d’être perdue, quand
François I er , n’écoutant que son courage, entraîna avec lui ses
chevaliers et deux mille soldats pour tenter une charge aussi folle que
téméraire. Il avait près de lui une trompette qui sonnait plus haut que toutes
les autres, de sorte qu’on savait toujours où était le roi et l’on se ralliait
à lui. Ils chargèrent deux fois et l’avant-garde suisse recula dans une
effroyable mêlée. Tout fut interrompu quand une nuit noire s’abattit soudain,
interdisant la poursuite des combats. Le roi faillit vingt fois perdre la vie
et la visière de son heaume fut trouée mais il ne descendit pas de cheval. Dans
un casque on lui apporta un peu d’eau puisée dans le canal qui longeait le
champ de bataille. Il la recracha aussitôt parce qu’elle était mêlée de sang.
Il accepta un peu de vin de la gourde d’un soldat. Tout le monde resta le cul
sur la selle jusqu’au petit matin où, dès le jour levé, le combat reprit, plus
acharné.
Sonnez
trompettes et clairons
Pour réjouir
les compagnons
Bruyez
bombardes et canons,
Tonnez,
bruyez gros courteaulx et faucons
Ils sont
confus, ils sont perdus
Prenez
courage après prenez
Suivez,
frappez, tuez !
Le roi, sous sa belle cuirasse quelque peu cabossée, la
lance au poing, un nouvel armet à la tête, piqua son grand destrier et s’élança
dans la bataille. Les Français luttèrent avec la furie du désespoir et cette
fois l’artillerie du grand maître Galiot de Genouilhac fit des ravages.
Les carrés suisses se désagrégèrent, la cavalerie les
enfonça, les Suisses reculèrent et furent bientôt décimés. Les étendards, les
armes, les piques s’entassaient dans le camp français. C’était un grondement de
triomphe qui allait s’élargissant. C’était la victoire totale tant désirée.
Comme on s’enthousiasmait autour du vainqueur qui avait reconquis le Milanais,
il dit modestement :
« Nul n’en peut prendre gloire si ce n’est le
Tout-Puissant ! »
Cette gloire était chèrement acquise. Un véritable
carnage ! Plus de dix-sept mille morts gisaient dans les champs qui
avaient perdu leur verdure pour n’être plus qu’une immense plaine sanglante que
le roi traversait, horrifié par cette boucherie meurtrière. Le maréchal de
Trivulce, qui l’accompagnait dans sa funèbre tournée, ne put s’empêcher de dire :
« J’ai participé à plus de dix-huit batailles qui
n’étaient que des jeux d’enfants comparées à celle-ci. Marignan fut un combat
de géants. »
François I er fit alors venir le chevalier
Bayard qui, une fois de plus, s’était illustré de glorieuse manière, terrorisant
les ennemis et les taillant en pièces selon sa hardiesse habituelle :
« Pierre, mon ami, je veux qu’aujourd’hui soye fait
chevalier par vos mains pour ce que le chevalier qui a combattu à pied et à
cheval en plus de batailles entre tous autres est tenu et réputé le plus digne
chevalier. »
À ces paroles, Bayard répondit :
« Sire, celui qui est couronné, loué et oing de
l’huile, envoyé du ciel et est roi d’un royaume, le premier fils de l’Église,
est chevalier
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