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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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chargés de diriger la politiques des princes, il est bien évident qu’il ne pouvait, encore moins que ses prédécesseurs, tolérer le scandale qu’était un pays où l’Église était publiquement bafouée par le peuple et les pouvoirs publics.
    Cependant, Innocent III, le principal responsable de la croisade contre l’hérésie, n’était pas un fanatique. Ses lettres pastorales nous le montrent circonspect, soucieux d’agir avec justice et modération. Devant les cas d’hérésie que lui signalent l’évêque d’Auxerre ou l’archevêque de Sens, il doute, hésite, demande des preuves, des enquêtes et finit, dans l’incertitude, par conclure à l’innocence des accusés.
    Quand il envoie ses légats en Languedoc, Innocent III, cherchant à s’attaquer aux causes plutôt qu’aux effets du désastre, commence par s’en prendre aux évêques du pays et aux pouvoirs publics. Il estime que c’est le mauvais exemple donné par le clergé qui autorise « l’insolence des hérétiques ». Mais ce pape qui se flatte de réduire à merci les rois est mal obéi par ses propres subordonnés : l’autorité de l’Église est une arme à double tranchant. Il est vrai, Guillaume de Roquessels, évêque de Béziers, Nicolas, évêque de Viviers ; Raymond de Rabastens, évêque de Toulouse ; Bérenger, archevêque de Narbonne, sont déclarés suspendus de leurs fonctions par les légats. Mesure révolutionnaire et nullement propre à attirer au pape la sympathie du haut clergé ; l’archevêque de Narbonne et l’évêque de Béziers refuseront d’obéir, allégueront l’incompétence des légats, feront traîner leurs procès en longueur ; Bérenger ne sera déposé qu’en pleine croisade et Guillaume de Roquessels mourra assassiné, en 1205, avant la fin de l’instruction de son procès. Raymond de Rabastens, qui avait de si scandaleuse façon ruiné le domaine épiscopal de Toulouse, résistera pendant des mois. Mais la tentative de réforme engagée par le pape commence à prendre l’aspect d’une lutte entre deux clans rivaux : le clergé local et les ordres réguliers plus directement soumis au pape, en particulier les moines cisterciens. Ce sont eux qui, jusqu’au bout, mèneront le jeu.
    Le pape n’a plus à compter sur l’appui des évêques, il doit donner carte blanche aux légats et les laisser agir selon leurs possibilités. Si auprès des prélats les légats se heurtent à une mauvaise volonté plus ou moins déguisée, auprès des pouvoirs publics les envoyés du pape ne rencontrent qu’hostilité et dérobades.
    Seigneurs et consuls protestent de leur fidélité à l’Église et refusent de poursuivre les hérétiques. Le comte de Toulouse, déjà excommunié par Célestin III pour avoir persécuté des moines, a fait sa paix avec l’Église et, pardonné par le nouveau pape, continue à protéger les cathares, à dépouiller les abbayes et à transformer les couvents en forteresses. Le légat Pierre de Castelnau obtient de nouveau des engagements, des promesses formelles, aussi peu tenues que les précédentes. Un modus vivendi s’était établi dans le pays entre l’Église et l’hérésie, et les chefs cathares, théoriquement passibles des peines les plus sévères, ne craignaient pas de paraître en public à côté des évêques et d’entamer avec eux des controverses théologiques.
    C’est sur la campagne de prédication que vont porter les efforts d’Innocent III au cours des premières dix années de son pontificat, surtout entre 1203 et 1208. Avec son assurance d’homme certain de posséder la vérité, il espère fermement ramener les égarés en dissipant l’ignorance où les avait tenus l’incapacité de leurs chefs spirituels. Tout comme ses prédécesseurs, Grégoire VII et Alexandre III, il cherchera à convertir ceux des présumés hérétiques qui lui paraissent s’écarter moins de l’orthodoxie que les autres. Ainsi, en 1201, donne-t-il aux Humiliés, précurseurs de saint François d’Assise, injustement accusés d’hérésie, des règles où l’on voit l’influence des pratiques vaudoises. En 1208, il prend sous sa protection Durand de Huesca, vaudois converti auquel il permet de fonder un ordre qui rappelle, pas son organisation, les communautés hérétiques ; et ces « pauvres catholiques » dont le clergé continuera à se méfier seront encouragés par le pape, qui verra dans leur mouvement le germe d’une réforme

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