Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
L'autre saisit la balle au bond.
    — Ah ! Monsieur, que vos propos me remplissent d'aise et si…
    Il regarda le plafond où sans doute nichait quelque génie tutélaire sourd et menaçant.
    — … l'on pouvait vous entendre ! Oui, en vérité c'est bien à vous de le reconnaître et à moi de l'entendre constater. Si je puis vous être de quelque utilité, je suis votre serviteur. Je vois bien à qui j'ai affaire. Il me semble pouvoir me fier à vous.
    — Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet. J'ai une question très précise qui intéresse une enquête que je mène.
    L'homme resserra frileusement sa houppelande.
    — Je vous écoute. S'agit-il de l'achat ou de la fourniture d'huile ou de chandelles ? Peut-être de la qualité des produits ? Oh ! nous savons le caractère fumigène et malodorant de l'huile de suif qui nous parvient de la fonderie de l'île des Cygnes, les plaintes affluent ! Ou encore de l'entretien, du nettoyage, de la solidité des cordes et des poulies. Certains s'homicident en s'y pendant et cela tient, monsieur, cela tient ! Auriez-vous par hasard à vous plaindre des commis allumeurs ? Oui, je sais, de bien méchants drôles en vérité. Auriez-vous dressé quelques contraventions en constatant des méfaits que nous ignorons ? Les règlements du Magistrat ont-ils été violés ? Sans doute des vitres brisées par des filous ou des libertins, de ces perturbateurs de la tranquillité publique que suscite la chienlit du carnaval ? Ou alors ?… Je crains de ne point deviner le pourquoi. Dois-je m'attendre à…
    Il fallait à tout prix l'interrompre.
    — Rien de tout cela, monsieur. Bien plus grave vis-à-vis de l'utilité de la tâche qui est vôtre.
    — Ciel ! Vous m'effrayez furieusement. De quoi se peut-il agir ?
    — D'obscurité.
    — Ah ! Monsieur le commissaire, nous la haïssons. C'est là notre ennemi !
    — Je vous veux signifier qu'hier soir, à partir de onze heures, plusieurs lanternes à réverbères de la rue Saint-Germain-l'Auxerrois se sont trouvées éteintes, plongeant cette voie dans le noir.
    — Ténèbres, toujours ! Monsieur, cela est inconcevable !
    Il secouait la tête, égaré, comme saisi d'un profond désespoir.
    — Les vitres ? Intactes ?
    — Toutes.
    — Combien de réverbères hors d'état d'éclairer la rue ?
    — Trois environ.
    Les lèvres du commis bougeaient. Il compta sur ses doigts.
    — Soit deux espaces. À trente toises entre chaque réverbère, cela fait soixante toises 17 . Les réverbères, on les laisse allumés toute l'année, excepté pendant les nuits de pleine lune, ce qui n'était pas le cas hier soir. Prions que l'origine de ce dérangement ne réside pas dans une irrégularité du service.
    Il consulta un registre derrière lui.
    — Saint-Germain, Saint-Germain-l'Auxerrois, voilà ! Voie traversée par d'autres rues, donc réverbères à deux becs. J'ose espérer qu'ils avaient mis suffisamment d'huile. Monsieur le commissaire, vous ne sauriez imaginer le mal que nous causent la malversation et la prévarication. Alors, alors à dix heures du soir, faute d'une quantité d'huile suffisante ou à demi-chandelle, la mèche s'éteint.
    — Et où puis-je m'en assurer ? Avez-vous le moyen de m'en informer ?
    — Il ferait beau voir, je suis le bureau des illuminations.
    — Précisément.
    — Adressez-vous à l'entrepreneur qui en a la responsabilité. C'est M. Saugrain, rue du Ponceau, près la porte Saint-Denis.
    — A-t-il la ressource de résoudre mon dilemme ?
    — C'est selon… Ou alors, il faut interroger M. Beaulieu, l'inspecteur, au dépôt des lanternes, près du couvent des Capucines de la rue Saint-Honoré. Cependant, j'ai bien souvenance qu'il y a toujours, rue du Ponceau, un commis pour répondre aux affaires urgentes relatives à l'éclairage. M. Saugrain va régulièrement prendre connaissance des incidents de la soirée.
    — Et vous-même, dit Nicolas avec ironie, pardonnez-moi la question, quel est votre rôle ici ?
    Son interlocuteur le considéra de bas en haut, l'air dépréciant.
    — Je dresse les états, monsieur, sans lesquels nous vagirions dans l'ignorance la plus barbare quant à l'état des lanternes – il en reste – et réverbères de notre bonne ville. C'est à partir de ce ramas de chiffres, chaque jour modifié sur un tableau ad hoc…
    Il désigna d'une main écartée une direction indécise.
    — … que se forge, se fonde et se perpétue la

Weitere Kostenlose Bücher