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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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régularité métronomique du service !
    Nicolas remercia de la péroraison, salua et, excédé, courut rejoindre sa voiture et ordonna qu'on le conduisît par les boulevards rue du Ponceau chez l'entrepreneur bénéficiaire du marché, personnage qui lui paraissait plus à même de lui fournir les informations recherchées. À la porte Saint-Denis, il finit par trouver l'endroit en question. Un jeune homme avenant l'accueillit qui se trouva être le gendre de M. Saugrain. Après avoir écouté attentivement le commissaire, il consulta un lourd registre. Nicolas craignit un moment voir se renouveler les scènes de la rue Michodière. En fait l'ouvrage colligeait les incidents quotidiens de l'éclairage public.
    — Sachez, monsieur, que les plaintes affluent très rapidement à l'ouverture des bureaux. Le Parisien ne supporte pas la gabegie et s'empresse de porter ses doléances là où il est assuré d'être écouté. Tenez, justement sur l'affaire qui vous conduit ici, j'ai recueilli, ce matin tout juste, la plainte d'un quidam, un certain Michel Lecuyer, qui tient commerce d'éventails dans la susdite rue. Il est venu bramer au sujet de l'obscurité qui régnait cette nuit, rue Saint-Germain-l'Auxerrois.
    Il se pencha sur son registre, pensif.
    — Oh ! Certes, il s'agit d'un chicaneau et ce n'est pas la première fois qu'il récrimine.
    — Si je puis abuser de votre complaisance, a-t-il précisé l'heure de son constat ?
    — Non, mais je puis vous donner son adresse : Michel Lecuyer, la rue, nous la connaissons, à l'enseigne des Quatre-Roses près la prison du Fort-l'Évêque.

    Nicolas, incontinent, sauta dans sa voiture pour retraverser Paris. Il éprouvait un sentiment bien connu, celui du chasseur sur la voie du gibier. L'information devenait sa proie et il la traquait depuis tant d'années que dès qu'elle paraissait un frissonnement le parcourait. Aussitôt, la conviction qu'elle ne valait rien ou la certitude qu'elle le mènerait à une nouvelle étape de sa quête s'emparait de lui. Sa tâche consistait à accueillir le moindre signe avec toute la méfiance requise. Seules la prudence de l'enquêteur et sa réflexion pouvaient percer à jour le faux d'un renseignement. Il lui fallait ouvrir les yeux à temps, mais cela ne suffisait à procurer la vision et comprendre trop tard n'était pas d'un grand remède. Regarder ne signifiait pas voir, ni écouter entendre. Dans sa charge la nécessité s'imposait de recourir à cette qualité innée, à ce talent mystérieux qui lui avait été imparti, à cette compréhension inconsciente des choses, nourrie de toutes les observations possibles. Cette méditation sur son action se poursuivit jusqu'à sa destination. Il repéra aisément la boutique recherchée et constata que la prison constituait le seul repère évident dans son voisinage. La maison était close et personne ne répondit au marteau de la porte soulevé. Soudain, une voix chevrotante et furieuse s'éleva derrière lui.
    — À la fin des fins, monsieur, que prétendez-vous faire ? À marteler ainsi ma porte vous l'allez défoncer ! Croyez-vous ma maison ouverte à l'heure de l'office, dont j'ai d'ailleurs manqué le début en raison… mais cela ne vous incombe point. Me croyez-vous si mauvais chrétien que j'en vienne à œuvrer un dimanche ? Et d'abord, que voulez-vous ?
    Le petit homme s'était haussé, son visage ridé et émacié jaillissant, comme celui d'un oiseau, d'un manteau de laine brune à col de petit-gris.
    Nicolas se présenta et, à mesure qu'il s'expliquait, le bonhomme s'adoucissait jusqu'à l'inviter à entrer pour se préserver du froid. Dans la boutique aux auvents tirés, il alluma une chandelle et extirpa d'un tiroir, en jetant un regard soupçonneux autour de lui, un flacon poussiéreux et deux gobelets d'étain. Il voulait à tout prix trinquer avec son hôte. L'alcool brûlait le gosier et en comparaison le cordial du père Marie était un sirop pour enfançon. Au-delà du goût poivré qui dominait et d'un vague arôme de pomme, autre chose contribuait au breuvage que le commissaire ne sut discerner. Il reprit souffle, se gardant d'aborder la question par le principal. En homme versé dans l'interrogatoire des témoins, il excellait à distraire leur attention. Il tirait donc d'un côté en en visant un autre, fidèle en cela aux conseils glanés naguère dans un ouvrage jésuite de la bibliothèque du collège de Vannes. Il se contenta de se présenter

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