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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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et billon bien chaudement à l'abri des vide-goussets. Elle finit par récupérer l'objet et le lui tendit. C'était un bouton doré d'uniforme, le même en plus petit que celui découvert auprès du cadavre du Fort-l'Évêque. Pour le coup, était-ce une coïncidence ? Le même mystérieux personnage réapparaissait-il dans cette affaire ? Le hasard lui jouait-il un de ces tours dont il avait le secret ? Le doute effleura Nicolas. Ces constatations répétées ne forçaient-elles pas sa réflexion dans une direction erronée ? Il s'attacha à prendre le fait pour ce qu'il était sans, pour le moment, en tirer des conséquences non fondées.
    — Et qu'est-il arrivé, reprit-il, qui vous a permis de vous enfuir ?
    — Oh ! Je lui ai brisé une barbotine 108 sur la tête. Il a lâché prise. J'ai gagné la croisée qui ouvre sur le jardin et je me suis faufilée jusqu'à un trou dans la haie du voisin derrière le poirier, à partir duquel j'ai filé.
    Elle rit.
    — La Freluche est une chatte de gouttière. Elle sait y faire et connaît le faufilage  !
    — Et ensuite ?
    — En jupon et chemise, telle que vous me voyez, j'ai couru d'un saut jusque chez Maître Richard, dans la nuit comme une évadée de Bicêtre. Les barbouilleurs, mes amis, se sont relayés pour monter la garde jusqu'à votre arrivée. Les huîtres ont fait le reste. Vous m'allez aider ? Dites ?
    — Vous ne pouvez rester là. Ils finiront par vous retrouver. Déjà ils sont sur la piste et, peut-être, sur nos proches brisées.
    Elle se boucha les oreilles de ses mains comme une enfant et se mit à gémir.
    — Allons, reprit-il, enlevant son manteau pour la couvrir, enveloppez-vous de ceci. Il ne manquerait plus que vous preniez malemort. Descendez avec moi, je vais vous conduire en lieu sûr, à Vaugirard chez un ami.
    Il sourit à l'idée que ses manteaux paraissaient condamnés à garantir du froid les filles galantes, vieilles ou jeunes. Il souhaita que la Freluche ne finisse pas comme la vieille Émilie. Après une brève retraite intime, les adieux avec Maître Richard et les assidus protecteurs abrégés, le cabriolet prit au grand trot la direction du fleuve pour franchir, le long des Tuileries, la Porte de la Conférence. Nicolas entretint les gardes qu'il connaissait de longue main. Consigne leur fut donnée de fermer la barrière un moment après son passage. Il tenait à disparaître avant qu'un éventuel poursuivant le rattrapât. Son idée était de mener Freluche à Vaugirard dans la demeure du docteur Semacgus. Ce refuge lui semblait le plus approprié dans l'attente du dénouement de cette ténébreuse affaire. Des embarras de charrettes enchevêtrées les tinrent longtemps bloqués sur les rives du fleuve aux abords de Sèvres.
    À la Croix-Nivert, la bonne humeur du chirurgien de marine les enveloppa de sa chaleur. Awa, sa désormais compagne, prit aussitôt les choses en main et entraîna la pauvre Freluche qualifiée, dans un long rire cascadant, de chat mouillé , et entreprit de lui restituer figure humaine. La journée était fort avancée et Semacgus pria Nicolas de demeurer souper, pour ne point gâcher, par une trop courte présence, le bonheur de le tenir. Il fut décidé qu'il coucherait cette nuit sur place. Il était loin le temps où ses absences ou retards jetaient en émoi Noblecourt et les siens. Ils avaient pris leur parti de le voir disparaître quelquefois plusieurs nuits, retenu au loin par les circonstances de ses enquêtes. Nicolas quitta ses bottes après avoir renvoyé la voiture avec consigne au cocher de le venir reprendre à sept heures le lendemain. Béat dans un fauteuil, il se laissa aller au bonheur des retrouvailles.
    La pièce dans laquelle il se trouvait tenait autant du salon et de la bibliothèque que du cabinet de curiosités. Il aimait cet amas ordonné d'objets étranges, de coquillages géants, de cartes, d'instruments de marine, de statuettes inquiétantes et de masques grimaçants glanés aux quatre coins du monde. Semacgus lui servit un de ces vieux rhums odorants dont la réserve inépuisable servait à égayer les soirées de Vaugirard. La nuit tombait et, seules, les lueurs mouvantes du feu qui craquait dans la haute cheminée de pierre éclairaient les visages. Il s'étira et à la demande de son hôte entreprit de lui décrire l'état de son enquête. Le chirurgien, assis à sa table de travail encombrée de manuscrits et de livres, maniait, tout en l'écoutant, un

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