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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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juste au-dessous d'un diptyque représentant Lazare
ressuscité. Il portait son vêtement de nuit et son corps était encore chaud.
J'en déduisis que le meurtrier avait dû frapper peu avant mon arrivée.
J'enjambai le cadavre de Vitry et entrai dans sa petite chambre. Les coffres
étaient ouverts, les parchemins éparpillés. J'inspectai le sol avec soin et
étudiai les taches. Combien y avait-il eu d'assassins ? Je ne découvris
qu'une seule empreinte de botte. Je regardai à nouveau en bas de
l'escalier ; les volets étaient ouverts ; sans doute était-ce la
dernière tâche qu'avait dû accomplir la servante avant de périr.
    J'ignore tout des humeurs de
l'esprit. La mort de Face de Rat m'avait peut-être troublée, mais à présent
j'étais froide, détachée et déterminée ; mon sang battait avec régularité
et je respirais calmement. J'avais l'impression d'assister à une mascarade
villageoise ou à la représentation d'un miracle joué sur le communal. Je devais
prêter attention aux paroles des acteurs, écouter leurs chants mais ne pas
prendre part au drame. J'étais en grand danger céans, mais je voulais savoir
pourquoi messire de Vitry, qui m'avait tant secourue, avait été occis. Si on
donnait l'alerte, si on criait Au secours * ! ou Aidez-moi * !,
je pouvais finir mes jours sans sépulture, pendue au gibet de Montfaucon. Je ne
pensais pourtant qu'à une chose. Oncle Réginald m'avait aidée et il était
mort ; cet homme m'avait aidée, et voilà qu'il avait été assassiné.
    Je regagnai la chambre où des
pièces étaient dispersées sur le plancher. Les objets précieux, les statuettes
et les chandeliers d'argent n'avaient pas été dérobés ; on n'avait donc
même pas cherché à faire croire qu'il s'agissait d'un vol. Un meurtrier,
impitoyable et sûr de lui, avait frappé, audacieux comme un coq sur un tas de
fumier. Il avait dû se sentir protégé. Je me souvins des mots de Face de Rat
sur les Secreti , les agents de Marigny, l'âme damnée du roi. Et de
Philippe, le frère d'Isabelle, qui se retournait pour me scruter, un mauvais
sourire aux lèvres Simon de Vitry avait-il été tué à cause de moi ?
    Je retournai dans le vestibule, de
plus en plus consciente du lourd silence menaçant. Je vis un tableau du Christ
crucifié, les yeux, dans son visage hagard, fixant cette scène infecte du crime
et du mal nés des profondeurs de l'Enfer. Je murmurai le bénédicité et examinai
le serviteur au carreau d'arbalète si profondément fiché dans le dos. Il connaissait
sans doute son assassin. Il avait dû lui ouvrir l'huis, puis l'inviter à entrer
avant de se retourner pour le conduire dans la chambre de son maître. Était-ce
quelqu'un d'important ? Un envoyé du souverain ou de Marigny ?
C'était à coup sûr une personne à qui la maisonnée faisait confiance. Je
m'approchai de la dépouille du clerc. Le carreau qui l'avait tué n'était pas le
même que celui employé pour le serviteur. Cependant, je n'avais relevé qu'une
empreinte de botte et non deux. Comment le meurtrier avait-il pu être si
prompt ? Je fermai les yeux et imaginai un homme chargé d'un sac contenant
de petites arbalètes au carreau bien encoché. Il les sortait l'une après
l'autre et laissait tomber la sacoche en s'empressant de traverser le vestibule.
La servante descendait l'escalier d'un pas léger ; un autre carreau était
décoché ; mais alors pourquoi cette tache de sang si haut sur le
mur ? Dehors, des bruits inquiétants montaient des rues : c'était
l'hymne d'un cortège funèbre entrecoupée à chaque couplet d'un poème sur la
mort dit par un poète engagé pour la circonstance. Un vers me revient en
mémoire : « Je gis blessé dans le linceul » ; il décrivait
tout à fait ce qui m'arrivait. La puanteur du dépositoire et du cimetière
semblait m'avoir suivie ici. J'embrassai une dernière fois la scène du regard,
me signai et me faufilai dans la rue. Je me hâtai de regagner le palais. Comme
la vie peut changer ! Je portais à présent un sceau royal. Gardes et gens
d'armes firent à peine attention à moi. J'entrai dans les appartements royaux
et trouvai la princesse dans la cour à la fontaine. Elle était assise, tête
basse, ses cheveux blonds détachés. Vêtue d'une simple robe fauve et d'un
manteau, elle se parlait à mi-voix. Je m'avançai pour m'agenouiller devant elle.
Elle jeta un regard par-dessus son épaule.
    — Approchez, Mathilde.
    Je la rejoignis sur le banc.

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