Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
Elle
leva la tête, ses yeux bleus écarquillés dans son visage pâle comme l'ivoire.
Dans son giron, il y avait un paquet enveloppé de lin qu'elle cacha de ses mains.
    — Ils sont arrivés,
murmura-t-elle. Les envoyés d'Angleterre, Sir Hugh Pourte et Sir John Casales.
Ils sont venus pour le mariage. Ils disent qu'il n'aura pas lieu.
    Elle enleva une de ses mains pour
saisir la mienne.
    — Je dois fuir,
Mathilde ! Qu'allons-nous faire ?
    Je serrai ses doigts froids comme
des glaçons. Elle ne s'opposa pas à ce que j'ouvre le paquet, que je pris sur
ses genoux. Il contenait quatre figurines de cire barbouillées de sang et de
fumier. Chacune portait une minuscule couronne de vélin et elles étaient toutes
transpercées d'une aiguille de mauvais augure.
    — Madame !
    Je me dirigeai vers le grand
brasero et lançai le paquet au milieu des charbons ardents.
    — Je les hais !
    Les mots sifflèrent dans l'air
comme une épée tirée de son fourreau. Je jetai un regard en coin aux chevaliers
réfugiés autour d'un autre brasero. Ils devisaient paisiblement entre eux. Je
revins vite sur mes pas, m'installai auprès d'Isabelle, lui pressai la main et
confirmai ce qu'elle savait déjà sur le mariage prévu. Elle m'écouta en
acquiesçant, sans dire un mot.
    — Soyez forte, rusée !
Quoi qu'il arrive, gardez votre masque, suggérai-je dans un murmure.
    J'eus un petit sourire en
repensant à la façon dont je m'étais affolée et m'étais montrée si stupide avec
Face de Rat. Je n'en parlerais pas à la princesse, pas encore.
    Je lui pris le bras et l'aidai à
se lever ; nous retournâmes lentement au palais. Les chevaliers
s'empressèrent de nous suivre. Je pinçai le bras de ma compagne et lui désignai
une fresque sur le mur dans laquelle des enfançons dodus s'ébattaient, tout
heureux, dans un pressoir. Je suivis du doigt le dessin du lierre aux couleurs
vives qui serpentait dans la scène et entrepris de décrire les propriétés du
lierre terrestre, appelé herbe de la Saint-Jean, précisai-je. Elle était
indispensable pour brasser la bière et Galien la recommandait pour traiter
l'inflammation des yeux. Nous flânâmes dans les galeries et les corridors. Je
jacassais comme une pie ; à mes côtés, la princesse finit par se détendre
et se força à sourire.
    Nous pénétrâmes dans une petite
chapelle aux murs décorés de luisants lambris de chêne. Au bout, sur une
estrade, dans le chœur, se dressait un autel tout simple à la droite duquel
avait été installé un petit oratoire consacré à la Vierge habillée en reine et
tenant l'Enfant divin sur ses genoux. Je fis agenouiller Isabelle sur le
prie-Dieu capitonné. Devant elle, des cierges scintillaient sur leur support.
J'ouvris une boîte qui se trouvait tout près, en sortis un cierge neuf, l'allumai,
l'enfonçai sur son support pointu et regardai la flamme dansante. Je levai les
yeux vers le visage sévère de la Vierge. J'avais du mal à prier. Je me souviens
que je répétais encore et encore les mêmes mots, «  Ave Maria, gratia
plena, Dominus tecum...  », sans pouvoir aller plus loin, obsédée par
l'image de Face de Rat titubant, le sang jaillissant de ses lèvres. Pourtant,
je n'éprouvais nul regret, nulle contrition, nul désir que mes péchés soient
absous. Je détournai le regard. Sur le mur latéral de la chapelle de la Vierge,
un tableau représentait un cadavre dans son linceul. C'était un memento
mon : « Prends garde à mon destin et vois comme, frais et gai jadis,
je suis maintenant la proie des vers ; n'oublie pas. » Je déchiffrai
l'inscription sur le cartouche et pensai à oncle Réginald et à messire de
Vitry. Je jurai de ne pas les oublier, eux et lui, l'homme que j'avais entrevu
à la taverne de L'Oriflamme, l'homme aux beaux yeux pénétrants. Je dus me
pincer : l'avais-je vu en réalité ? Illusion ou vérité, je me promis
de m'en souvenir à jamais.
    Quand nous fûmes revenues dans les
appartements privés de la princesse, Isabelle se sentit soudain lasse. Je
diagnostiquai là le symptôme d'une grande anxiété, d'une fièvre de l'esprit. Je
lui apportai du jus de pomme mélangé à une forte infusion de camomille et je la
fis boire. Elle s'étendit sur son lit, genoux remontés, et se pelotonna comme
une enfant sous le manteau dont je la recouvris. Plus tard dans l'après-midi,
un héraut somptueusement vêtu vint frapper à l'huis. Il annonça que le roi,
juste après vêpres, recevrait les

Weitere Kostenlose Bücher