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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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plongeais dans la compagnie
de ces Anglais coés [7] aux plaisanteries
sardoniques et à la langue bien pendue. Je fus acceptée parmi eux et entrai
ainsi en rapport avec ma proie.
    Les ambassadeurs anglais étaient
arrivés à Paris pour négocier avec Philippe. Bien sûr, leurs clercs et scribes,
une fois le labeur de leur longue journée accompli, voulaient s'amuser dans le
quartier anglais. Je me mis à fréquenter une auberge, L'Oriflamme, dont la
salle spacieuse n'était guère propre ; mes bottes s'engluaient souvent
dans la jonchée et certaines émanations étaient vraiment peu appétissantes.
C'était néanmoins le lieu de rencontre des clercs anglais. Au début, ils me
jetaient des regards en coin et gardaient bouche cousue, mais il est
merveilleux de constater comment un pichet de vin, une partie de dés, un joyeux
badinage et un chant en commun peuvent renverser la situation. Il est vrai qu'ils
étaient pleins de leur importance. Ils ne divulguaient aucun secret ;
après tout, c'étaient des clercs de la chancellerie, issus des universités
d'Oxford et de Cambridge, experts dans tous les domaines de la loi et de la
duplicité. Mais je ne voulais pas de leurs secrets ; je ne m'intéressais
qu'aux bavardages de la Cour, et ils étaient tout prêts à les partager avec
moi. Je louai une soupente sans fenêtre si ce n'est, percé dans le mur, un trou
couvert d'un morceau de toile raide. Grâce à l'argent d'Isabelle, je pouvais
sans mal me faire passer pour la fille d'un homme de loi français attendant que
son père, venant de Dijon, la rejoigne. Si on a la prétention d'interpréter le
rôle du mime et si l'on garde le masque, les gens, en général, vous croient. Coupes
vidées et panse pleine, les clercs me régalaient (moi qui jouais fort bien les
innocentes) d'histoires sur la Cour anglaise, et surtout sur l'élévation de
Gaveston, le favori du roi, au titre de comte de Cornouailles.
    — Oh ! oui, me confia l'un
d'entre eux — il me lança un clin d'œil en se tapotant le nez —,
voilà à présent Gaveston comte de Cornouailles, ami intime du souverain qui
l'appelle son frère très cher.
    — Et les autres grands
seigneurs l'acceptent ? m'étonnai-je.
    — Bien sûr.
    Ils continuèrent à bavarder et
m'expliquèrent qu'Édouard n'avait pas l'intention d'arrêter les templiers de
son royaume et n'avait nulle envie de venir en France épouser la fille du roi
ou remplir les obligations du traité.
    — S'il s'en abstient,
chuchota un clerc au visage pointu comme celui d'un rat, ce sera la guerre et
la fin des voyages à Paris. Du moins — il sourit en montrant une
belle rangée de dents ébréchées — jusqu'à ce qu'un nouvel accord de
paix soit signé. Il reposa sa coupe. — Et puis il y a le secret...

 
     
    CHAPITRE III
     
     
     
    La duplicité des princes
l'emporte, La paix est foulée aux pieds .
    Chanson des temps anciens, 1272-1307
     
     
    Face de Rat, tout pustules et
sueur, me regardait, la bouche pleine et à moitié ouverte. Il essayait d'avoir
l'air malin mais, comme tous ses semblables, il était stupide. Il me détailla
de bas en haut comme si j'étais une jument au marché de Smithfield, et s'essuya
les lèvres d'un revers de main. Ses compagnons s'étaient détournés ;
quelques-uns se querellaient déjà pour savoir quels dés ils emploieraient dans
un cornet ébréché, les autres s'étaient laissé distraire par un acteur
ambulant, vêtu d'une tunique noire sur laquelle se détachait un éclatant
squelette blanc, qui avait surgi sur le seuil de la porte. Il avait son propre
tabouret sur lequel il se jucha et il se mit à entonner un chant larmoyant sur
la mort :
    Quand mes yeux se voileront, Que
mes cheveux crisseront, Que mon nez deviendra froid, Que ma langue
s'embrouillera, Que ma force s'épuisera, Que mes lèvres noirciront, Que ma
bouche béera...
    Les clercs reprirent le refrain de
ce charlatan errant, sans doute un écolier du quartier anglais qui tentait de
gagner son pain. J'étais sur le point de me retourner quand j'aperçus ce visage
qui allait me hanter toute ma vie, serein et lisse sous une chevelure striée de
gris. L'homme me scrutait avec la plus grande vigilance. Ce sont ses yeux qui
retinrent mon attention, avec leur regard pénétrant. Un client se glissa entre
nous et, quand il fut passé, l'individu au regard scrutateur avait disparu. Je
sentis contre moi le bord coupant de la table. Face de Rat, ivre, s'était mis
debout non

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