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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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sans peine, et se penchait par-dessus, exhibant dans un large
sourire son écœurante dentition jaunâtre.
    — Aimerais-tu connaître le secret, ma jolie * ?
    — Bien sûr, minaudai-je.
    Et, quelques instants plus tard,
je me retrouvai flânant bras dessus bras dessous avec Face de Rat dans le
cimetière proche de l'église des Innocents. L'endroit, dominé par les croisées
scintillantes des riches demeures des marchands, était macabre. On y pénétrait
par un grand portail à double vantail. Juste à l'entrée du cimetière se
trouvait le tombeau de saint Valéry, saint patron guérisseur des maux des
parties. Face de Rat ricana et me montra les grossiers pénis en cire suspendus
le long de la châsse. Ce clerc de la Cire rouge, membre du cabinet privé du roi
d'Angleterre comme je le découvris plus tard, se faisait valoir en étalant son
savoir, désignant étals et baraques divers qui vendaient des babels bariolés,
des rubans et des habits dont on ne voulait plus. Il adressa un salut moqueur à
deux filles de joie * qui titubaient sur leurs patins rigides, figures
peintes, cheveux teints, en soulevant leurs robes pour exposer leurs chevilles
fines.
    Nous nous arrêtâmes sous un arbre
aux branches duquel était accroché le cercueil dégouttant de crasse d'un
excommunié. Face de Rat m'expliqua qu'un gueux de ce genre ne pouvait espérer
être plus près de l'arpent consacré. Je l'écoutais, buvant pour ainsi dire ses
paroles, bien que le bruit autour de nous fût assourdissant. Des marchands
rubiconds criaient et beuglaient pour essayer de surmonter le vacarme provoqué
par un forgeron au visage taché et brûlé qui, dans sa forge installée près du
portail, frappait sur son enclume comme s'il battait le diable. Un frère de la
Sainte-Croix, monté sur une tombe, la tête bien cachée au fond de son capuchon,
clamait à qui voulait l'entendre qu'en Enfer les usuriers bouillaient dans de
l'or fondu, que les gloutons festoyaient de crapauds et de scorpions et que les
orgueilleux étaient cloués sur une roue ardente qui tournait sans répit. Sous
la chaire improvisée, un fou, paré de guirlandes de coquillages, dansait
pendant qu'un groupe d'enfants pourchassaient un singe coiffé de clochettes qui
avait échappé à son propriétaire.
    Appuyée au bras de Face de Rat,
j'avançais avec précaution en évitant les tas de boue coagulée et les autres
détritus jonchant l'allée pavée qui serpentait à travers ce lieu de mort. Kyrie
eleison, Christe eleison  — Dieu aie pitié de nous, Christ aie
pitié. Doux Jésus, prends pitié de moi ! Je me souviens si bien de ce
jour-là ! La première fois où j'ai occis un homme ! Initium
homicidum  — le début des meurtres ! Je n'avais d'autre
intention qu'embrasser Face de Rat, lui susurrer quelques mots doux et lui
promettre de le revoir. Après tout, j'en faisais autant en compagnie de ces
apprentis avec lesquels je galantisais quand je travaillais pour oncle
Réginald. Je désirais juste apprendre ce qu'il savait. Nous parvînmes au dépositoire.
Le bleu et rouge des armes de la guilde des tailleurs d'habits éclataient sur
le mur. Je contemplai, à travers la grille nervurée posée sur sa tombe, une
jeune gisante au visage de marbre serein et aux mains croisées ; je me
demandai, un instant, où, moi, je serais allongée, et quel trépas je devrais
affronter. Le destin d'oncle Réginald m'occupait encore l'esprit. Nous fîmes le
tour du bâtiment. Je me mis à taquiner Face de Rat et à l'interroger sur le
grand secret. Nous nous trouvions alors dans une sombre venelle qui séparait le
dépositaire d'une rangée d'ormes frangeant le haut mur d'enceinte du cimetière.
    — Le secret ?
murmurai-je en m'adossant à la grossière maçonnerie de brique.
    — Oh, c'est très important,
répondit Face de Rat en se pressant contre moi.
    Une odeur aigrelette émanait de
lui. Il jeta des coups d'œil autour de lui, semblant prêt à me révéler un grand
mystère.
    — Le roi d'Angleterre,
lâcha-t-il à voix basse, n'épousera point la princesse Isabelle ; il y est
tout à fait résolu. Il défiera son père.
    — Mais ce n'est point un
secret...
    Face de Rat recula d'un bond. Je
m'étais trahie. L'art de ne pas baisser mon masque m'échappait encore.
    — Comment le sais-tu ?
    La main de mon compagnon glissa vers
l'inquiétant poignard passé dans un anneau à son ceinturon.
    — Comment une jouvencelle ne
valant pas mieux qu'une souillon de

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