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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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agité, il m'ordonna de m'enfermer dans ma chambre
juste au-dessous des avant-toits de la vieille auberge.
    J'avais, bien sûr, fort envie de
rentrer à Paris : fille de paysan, les beautés de la nature, ses champs à
perte de vue, ses prairies solitaires, ses sombres manoirs, ses granges
infestées de rats, ses tortueux sentiers silencieux avaient fini par me lasser.
Je n'étais que trop heureuse de les abandonner et de plonger dans la cité de
Paris, avide tel un avaricieux devant un tas de pièces d'argent. J'en étais
venue à aimer la ville et ses divers marchés : celui de la place Mordare
pour le pain, le Grand Châtelet pour la viande, Saint-Germain pour les
saucisses, le Petit-Pont pour la farine et les œufs, la grande foire aux herbes
sur le quai de l'île de la Cité ou celle des Innocents où l'on pouvait se
procurer tout ce qu'on voulait. Le bruit et la gaieté étaient mes fidèles
compagnons. Les gens se bousculaient et se poussaient, murmuraient et
criaient : «  Dieu vous garde * ! », «  Je vous salue * ! ».
    J'avais servi de messager à mon
oncle, courant comme un lièvre de-ci de-là dans la ville. Bien qu'ayant atteint
mes vingt ans, les vendeurs de châtaignes de Normandie, les colporteurs de
fromages, les marchands de pommes aux joues aussi rouges que leurs fruits, me
fascinaient encore. Mon oncle m'avait mise en garde contre toutes les
fourberies du commerce : les aubergistes et les négociants en vin qui
coupaient leur denrée d'eau, ou mélangeaient bon et mauvais cru ; les
femmes qui écrémaient leur lait et qui, pour donner à leurs fromages un aspect
plus riche et plus dense, les laissaient tremper dans du bouillon ; les
drapiers qui, de nuit, étendaient leurs tissus sur l'herbe afin qu'au matin ils
pèsent plus lourd ; les bouchers qui faisaient macérer leur viande ou les
poissonniers qui utilisaient du sang de porc pour rougir les ouïes des poissons
sans plus de fraîcheur ni de couleur ; les marchands d'habits qui avaient
une aune pour la vente et une autre pour l'achat. Il m'avait aussi conseillé de
me méfier de ceux qui proposaient des produits dans des rues sombres pour
tromper les naïfs et m'enjoignait de me rappeler tout ce que j'avais appris et
observé sur la ville que j'aimais. Chaque commerce avait son emplacement :
les apothicaires à la Cité, les parcheminiers, les scribes, les lamiers et les
libraires au Quartier Latin, les changeurs et les orfèvres sur le Grand-Pont,
les banquiers près de la rue Saint-Martin et les merciers dans la rue
Saint-Denis. Les couleurs, le tintamarre de Paris semblaient ne jamais
s'atténuer. Des bourgeois vêtus de somptueux brocarts descendaient à grands pas
vers la Seine pour déjeuner sur l'herbe. Des chevaliers en armure légère
passaient montés sur de beaux palefrois ou de nobles destriers. Des godelureaux
luxueusement habillés paradaient, faucons ou éperviers posés sur le poignet.
C'était comme visiter une église et aller d'une fresque à l'autre. Il y avait
tant à voir ! Je m'y livrais avec toute la vigueur et la curiosité de la
jeunesse.
    J'aimais cette ville !
J'étais bien protégée. Mon avenir s'étendait devant moi ainsi qu'une large
route sans embûches. Quand je n'étudiais pas, que je n'étais pas à l'hôpital,
je me promenais de quartier en quartier et observais les mendiants aux portes
des églises ou près des ponts, les paysans qui arrivaient de la campagne avec
leurs charrettes ou leurs brouettes, les artisans qui criaient et gesticulaient
derrière leurs étals, les jongleurs ambulants, les moines et les religieux en
bures sombres et capuchons pointus, les chanoines de la cathédrale tout pompe
et cérémonie, les professeurs de la Sorbonne en fourrure d'hermine et leur
escorte bigarrée d'étudiants et d'écoliers. Des courriers royaux se frayaient
un chemin dans la foule à l'aide de leur baguette blanche. Des hérauts en tabar
resplendissant, leur trompette levée à bout de bras, lâchaient des sons
stridents pour attirer l'attention de la populace avant de lire une
proclamation. Les harnais tintaient comme des clochettes au passage des nobles
qui, quittant leurs vastes demeures, franchissaient ponts et portes de Paris
pour aller chasser dans les champs alentour. Des dames se prélassaient dans
leurs litières, prenant l'air. Des juges en robe écarlate, entourés de gens
d'armes royaux, se rendaient en procession aux tribunaux. Des pèlerins en route
vers Sainte-Geneviève ou

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