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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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menait au Grand-Pont et à l'imposante
demeure en pierre de Simon de Vitry, le drapier. Elle s'élevait au milieu d'un
jardin. La poterne était ouverte. Je la franchis d'un saut, écartant d'une
bourrade le vieux portier de nuit aux yeux lourds de sommeil. Je traversai la
pelouse le plus vite que je pus ; la porte de la cuisine était
verrouillée. Haletant et jurant, je fis en courant le tour de la maison, montai
d'un bond les marches du perron, saisis la chaîne de fer et la tirai jusqu'à ce
que la cloche retentisse comme le tocsin à travers tout le logement. Un petit
bruit de pas pressés se fit entendre. À une fenêtre, sur ma droite, on enflamma
une chandelle et une lumière brilla. On enleva les chaînes, on tira les verrous
et l'huis s'ouvrit. Je reconnus Simon. Il me regarda avec surprise, puis me fit
signe d'entrer. Je me coulai à l'intérieur et, cédant à mon épuisement, me laissai
choir sur le sol, pantelante. Le marchand, homme bienveillant au visage de
moine affable, s'accroupit près de moi et resserra autour de lui les plis de sa
robe d'hiver. Il sentait le vin, ses doigts étaient froids et ses yeux
inquiets.
    — Que se passe-t-il,
Mathilde ? demanda-t-il. Avez-vous des ennuis ? Vous a-t-on
attaquée ?
    Je lui tendis le parchemin que mon
oncle m'avait donné, mais, avant même que Simon l'eût pris, je maudis ma propre
stupidité. J'aurais dû m'arrêter et le lire. Le marchand traversa le vestibule
et se dirigea vers une chandelle solitaire qui brillait sur une table placée
sous un tableau représentant saint Antoine exorcisant les démons. À sa lumière
dansante, ces diables de l'Enfer prenaient vie. Messire Simon saisit la
chandelle et, me tournant le dos, entra dans son cabinet de travail. Je jetai
un coup d'œil vers la porte ; la lumière qui filtrait au-dessous se fit
plus vive quand d'autres chandelles furent allumées. Quelques instants plus
tard, le drapier revint, aussi troublé que moi, agitant les mains et
s'humectant les lèvres. Il s'agenouilla à mes côtés.
    — Venez, Mathilde, ma
petite *, venez.
    Il me releva presque de force et
me poussa dans le cabinet. Le morceau de vélin avait disparu. Dans la cheminée,
des bûches crépitaient. Quel qu'ait été le message d'oncle Réginald, le
marchand l'avait détruit. Il m'installa sur une chaire et m'apporta un pichet
de bière au goût fermenté et piquant, puis il réveilla sa maisonnée, composée
de deux valets et d'une servante, pendant que le clerc, son fidèle intendant,
était convoqué dans la pièce. On me pria de rester dehors sur un banc. L'huis
fut fermé et verrouillé.
    J'entendis des chuchotements et
des éclats de voix, puis on ouvrit des armoires et des coffres comme si le
négociant avait soudain décidé de dresser l'inventaire de ce qui lui était dû.
Le clerc fut dépêché dans la nuit. Alors seulement Simon, au moins une bonne
heure après mon arrivée, me rejoignit sur le banc. Il me jeta un curieux coup
d'œil, paraissant m'évaluer.
    — Vous devriez m'accompagner.
    La demeure était riche et
possédait une belle cage d'escalier. Il me conduisit par deux galeries meublées
jusqu'à un galetas puant, qui ressemblait beaucoup à celui de la taverne. Il
m'y fit entrer et, s'asseyant sur un tabouret, me regarda avec tristesse.
    — Qu'y a-t-il, messire ?
m'enquis-je.
    — Comment vous
appelez-vous ? me répondit-il.
    — Mais, messire, vous le
savez bien. Je suis Mathilde, mon oncle...
    Vitry bondit et me donna un petit
coup sur l'épaule.
    — Dorénavant vous n'êtes plus
Mathilde de Ferrers, déclara-t-il, mais Mathilde de Clairebon. Vous êtes une de
mes cousines éloignées. Vous venez de Poitiers. Vous avez une certaine
instruction et des notions de médecine. Puisque votre mère a trépassé il y a
peu, vous êtes venue travailler chez moi. N'est-il pas vrai ?
    — Messire Simon, haletai-je,
qu'est-ce que cette histoire ? Pourquoi changer mon nom ?
    D'un geste vague il désigna la
fenêtre.
    — Asseyez-vous, asseyez-vous,
Mathilde.
    Il alla s'assurer que la porte
était bien fermée et les verrous poussés. Puis, après avoir posé une chandelle
entre nous, il rapprocha son tabouret. Il me scruta avec un mélange de colère
et de tristesse, comme s'il voulait m'aider mais était cependant contrarié par
ma présence.
    — Mathilde, je jouerai les
archers et tirerai la flèche aussi près de la cible que je pourrai,
chuchota-t-il. Des rumeurs courent depuis des jours

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