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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Notre-Dame entonnaient des prières ou chantaient de
douces hymnes. Des captifs, mains liées, étaient conduits à coups de fouet au
Grand Châtelet. Des clercs et des scribes se pressaient vers le grand palais et
le château de l'île de la Cité d'où Philippe régnait sur la France, semblant un
faucon sur ses prés, sans cesse aux aguets, sans cesse menaçant.
    Il me tardait de revoir ces
scènes. Je ne pouvais comprendre la rudesse de mon oncle. Dressé devant moi
dans la salle de cette taverne, il me prit par l'épaule et me poussa vers
l'escalier.
    — Monte dans ta chambre,
petite !
    Il était rare qu'il m'appelle
ainsi. C'était toujours « Mathilde » ou «  ma fille * ». Oncle Réginald semblait harassé ; l'air épouvanté, il ne cessait
de jeter des coups d'œil vers la porte par-dessus son épaule.
    — Que se passe-t-il,
messire ? m'enquis-je.
    — Rien, répondit-il à voix basse.
    Puis il cita une phrase des Évangiles :
    —  Tenebrae factae . Les
ténèbres tombent.
    Je reconnais cet extrait à
présent, celui qui décrit la nuit où Judas partit pour trahir le Christ.
J'essayai à nouveau d'argumenter. J'espérais pouvoir aller en ville, peut-être
dans l'une des tavernes proches de l'hôpital, pour me mêler aux étudiants,
danser ou participer à d'autres réjouissances. Mon oncle leva la main et me
regarda avec colère.
    — Je ne t'ai jamais frappée.
Je le ferai si tu ne m'obéis point. Va dans ta chambre ; toute petite
qu'elle soit, livrée aux rats et aux souris, c'est l'endroit où tu seras le
plus en sécurité. Restes-y jusqu'à mon retour.
    Je montai l'escalier quatre à
quatre, pieds tambourinant sur les marches de bois. Tirant d'un geste la porte
délabrée, je me précipitai dans la pièce en cillant furieusement pour tenter de
retenir les larmes de rage qui me brûlaient les yeux. La chambre était exiguë
et sale bien que le lit fût confortable et les draps propres — mon
oncle avait insisté sur ce point — et le serviteur qui avait monté
mon repas l'avait recouvert d'une jatte de bois pour le préserver des souris
qui couraient dans les coins. Des toiles d'araignées semblables à des tentures
pendaient des chevrons. Je me dirigeai vers la fenêtre, une petite croisée de
bois garnie de corne, et l'ouvris. Je pouvais au moins voir la ville. Le ciel
était gris et triste, un vent frais s'était levé. La pièce était froide. Je
refermai la fenêtre et remarquai le vin, posé près de la porte, dans un pot
d'étain bosselé à côté d'un petit bol. Je remplis le bol et bus d'un trait,
puis j'allai m'étendre sur le lit.
    Quand mon oncle me réveilla, il
faisait sombre. Il était penché sur moi, le visage proche du mien.
    — Lève-toi, me pressa-t-il.
Lève-toi tout de suite.
    Il me mit debout presque de force.
Il avait apporté ma mante et une ceinture, où était accrochée une dague dans sa
gaine de bois. Il me fit sangler le ceinturon. Je protestai. Je lui dis que je
devais me rendre aux latrines. Il eut un rire étrange et me poussa hors de la
pièce et dans l'escalier. Avant d'arriver en bas, j'eus le temps d'agrafer ma
mante. L'air froid de la nuit m'éveilla sans ménagement. Oncle Réginald me
fourra un morceau de parchemin et un sac de pièces dans les mains, puis désigna
d'un geste désespéré la petite grille qui donnait sur une ruelle. Une torche,
fixée sur un poteau enfoncé dans la boue molle entre les pavés, procurait un
peu de lumière aux palefreniers et aux valets d'écurie qui traversaient la cour
comme des fantômes. Je me retournai. Mon oncle était en partie caché dans
l'ombre ; je pus cependant, à la flamme vacillante de cette torche,
constater à quel point il était terrorisé. Il avait vieilli d'un seul coup, son
visage était tiré et hagard, ses yeux cernés de rouge. Il ne cessait de
grommeler entre ses dents, s'inquiétant de la fermeture d'une porte, du chien
qui jappait, d'inconnus qui rôdaient dans le noir. Il me prit la main et la
referma autour du sac de pièces tintinnabulantes.
    — Va-t'en, à présent,
Mathilde.
    — Pourquoi, mon oncle ?
    — Ne pose pas de questions.
Pour l'amour de Dieu, Mathilde, ajouta-t-il en approchant son visage du mien,
ne pose pas de questions, va-t'en simplement. Prends ce que je t'ai donné. La
porte Saint-Denis est encore ouverte. Tu dois entrer dans la ville. Rends-toi
chez Simon de Vitry, près du Grand-Pont. Tu le connais ; je t'ai envoyée
faire des emplettes chez lui.

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