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Le calice des esprits

Le calice des esprits

Titel: Le calice des esprits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Il est drapier et banquier. J'ai confiance en
lui. Obéis-lui en tout point.
    Il me poussa vers la grille et
dans l'allée.
    — Va, va, siffla-t-il dans
les ténèbres. Va, à présent, Mathilde, avant qu'ils n'arrivent.
    Une certaine inflexion dans son
ton, dans ses mots... Je pris la mesure de son épouvante. Il agita les mains
dans un geste que je ne lui avais jamais vu pour m'indiquer que je devais
courir. Je voulais rester, découvrir qui étaient ces « ils ». Mais
quelque chose chez lui, debout là dans la faible lumière, la torche crachotant
dans son dos, ses épaules voûtées, ses mains battant l'air comme les ailes d'un
oiseau prisonnier... Je tournai les talons et me glissai dans l'ombre.
    Du temps a passé depuis cette
horrible nuit, mais je m'en souviens bien. Je détalai dans les rues, les yeux
pleins de larmes brûlantes qui m'aveuglaient. D'un côté, telle toute jeune femme,
j'avais des griefs contre mon oncle ; j'étais ulcérée. Mais j'avais perçu
l'odeur de la terreur, l'odeur fétide de la peur, et je me demandais ce qui
allait arriver. Je me souviens de m'être arrêtée au coin d'une place. Au-dessus
de moi une statue du saint protecteur du quartier baissait des yeux aveugles
dans la lueur du cierge qui brûlait à ses pieds. Je lui rendis son regard et
essayai de me rappeler ce qui s'était passé ce jour-là. Nous étions arrivés à
la taverne au petit matin. Mon oncle m'avait quittée, était allé en ville et, à
son retour, il n'était plus le même ; c'est vrai, ses manières avaient
changé ; il était affolé, éperdu, soudoyant le tavernier pour ceci ou
cela. J'avais remarqué pourtant qu'il avait enlevé son anneau du Temple et tout
autre insigne rappelant qu'il appartenait à cet ordre.
    J'entendis du bruit et jetai un
regard autour de moi. Les rues avoisinantes dégorgeaient des hordes d'archers
porteurs de la livrée royale bleu et or, casques étincelants sur la tête, qui
se rassemblaient sur la place. Des chevaliers en armure, précédés par des
hommes à pied munis de flambeaux, s'avançaient sur des destriers renâclant.
L'air résonnait du claquement des sabots raclant le sol, du craquement du cuir,
du tintement des harnais, et, un ton en dessous, du cliquetis menaçant des
armes, du frottement des épées tirées hors de leur fourreau, de celui des
boucliers qu'on attachait, et des ordres qu'on lançait. Dans l'atmosphère
enfumée, semblable à une brume infecte, les sons retentissaient, lugubres et
menaçants. De l'autre côté de la place, devant une église, des mendiants
avaient allumé un feu de détritus. Les flammes bondissantes laissaient voir le
tympan au-dessus du portail. C'était une vivante représentation du Christ au
Jugement dernier, escorté par des anges armés d'épées ardentes pour chasser les
démons des airs. Le Christ, le Justicier, semblait être venu pour moi !
    Je m'élançai à l'allure d'un
lévrier dans les broussailles à travers les venelles et les ruelles où les
maisons à pans de bois se penchaient l'une vers l'autre comme si elles
s'étaient entendues pour cacher le ciel étoilé. Je glissai sur un tas
d'ordures, écartai des bâtards qui aboyaient, des mendiants qui gémissaient et
des chats aux miaulements perçants. Jesu miserere ! J'étais innocente !
J'étais une jouvencelle fuyant par les affreuses venelles de Paris ! Mille
cauchemars se tapissaient dans l'ombre, mais la connaissance stimule la peur.
Je ne savais pas encore à quel point une femme est en réalité vulnérable quand elle
est sans protection. Les fils des hommes sont aussi ceux de Caïn : «  In
hominum mundo, homo homini lupus  — dans le monde des hommes,
l'homme est un loup pour l'homme » ; mais pour les femmes c'est une
furieuse bête fauve ! S'il est vrai que certains cœurs entonnent un noble
hymne, il est bien souvent dissimulé sous les hurlements rauques de la meute.
Cette nuit-là, j'étais une innocente, m'échappant par miracle de l'enclos
envahi d'innombrables prédateurs sauvages.
    Un ange invisible au visage
embrasé et à l'épée enflammée volait peut-être devant moi. J'étais jeune et
armée. Les silhouettes sombres qui se glissaient en tapinois hors de
l'embrasure des portes reculèrent. Une terreur indicible me poussa en avant,
couvrant mon visage de sueur, trempant mon corps de transpiration glacée. Dieu
merci, je connaissais bien Paris ! Obliquant et tournant comme un lièvre,
je parvins à la rue des Moines qui

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