Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
toutes : on examine tous les endroits de notre personne susceptibles de receler de la vermine, et l’on termine par les cheveux : il me semble que l’on rase moins que les jours précédents ; le bourreau doit être fatigué. J’ai le temps de faire quelques observations : les poux (ou les S.S. ?) semblent avoir peu de goût pour les cheveux teints ou décolorés. Ils semblent marquer une vive préférence pour les belles chevelures d’un blond naturel que l’on range soigneusement dans une corbeille. C’est mon tour. Une Finlandaise blafarde plante ma tête sous le projecteur et cherche, cherche. Que c’est long. Donc, c’est qu’elle ne trouve rien ? Elle m’envoie promener : « Los ! » Je suis sauvée. Je passe aux douches. De ma vie, je ne fus si confuse qu’en apparaissant avec mes cheveux défaits parmi mes camarades rasées…
BLOCK 27
    18 octobre 1943 (xxv) . Du petit block 5, où nous avons subi notre quarantaine, nous voici transférées au block 27 le dernier construit à l’époque, là-bas, au fond du camp, derrière les barbelés, dans le sable même. Voici dans quelles circonstances :
    Une visite de sept officiers, la veille ; leur morgue satisfaite, tout laisse prévoir une « aventure ». Le soir, notre théâtrale Blockowa – M me  Brandt – nous annonce notre déménagement ; elle triomphe :
    « Ces messieurs, dit-elle du ton le plus sérieux, veulent que vous soyez plus à l’aise ; vous aurez un très grand block, un lit personnel, des bonnes couvertures pour l’hiver, un immense lavabo, une salle à manger spacieuse, si propre que vous mangeriez par terre. »
    J’entends encore ces paroles enthousiastes, mais par trop fallacieuses. Pour l’instant, il faut sortir, laisser au dortoir notre literie toute neuve encore, individuelle pendant la quarantaine, et que nous avons entretenue aussi propre que possible – défense de l’emporter. En hâte, les rangs se forment et s’avancent, nous passons une porte de barbelés ouverte pour nous, gardée par deux policières, et nous voici devant le fameux block 27. Quinze cents Tziganes et Russes viennent de le quitter, envoyées dans un convoi de fabrique. Une odeur de foule règne encore dans les salles. À notre grande stupeur, tout est d’une saleté repoussante ; dans le couloir, l’urine coule jusque dans la « dienstzimmer », notre chambrée à tout faire, le lavabo est plein d’immondices et sans eau, l’électricité et les conduites d’eau ne fonctionnent pas ; aux waters le tableau est saisissant, l’on n’y pénètre pas, les cuvettes débordent, les portes sont démolies, l’odeur prend à la gorge. Toutes, nous avons couru au dortoir pour nous assurer un lit. C’est un comble, jamais nous ne pourrons coucher là-dedans, les couchettes sont défoncées, branlantes ; ce qui tient lieu de paillasse est un sac crasseux, crevé, grouillant de poux, et les sacs de couchage sont incroyablement sales, tachés de sang et maculés par des pieds qui ont traîné dans la boue et le reste. C’est cela que l’on offre aux « Françaises » .
    Naïves, nous espérons du linge propre, de la literie de rechange ; nous l’avons attendue trois mois – le temps d’attraper la gale. Je l’ai eue immédiatement, dès le surlendemain, et nous y avons toutes passé ; beaucoup ne s’en sont jamais guéries, gale vite infectée, purulente, à laquelle on a donné le nom d’avitaminose ; les deux se sont conjuguées en d’horribles plaies jusqu’à la mort. Nous n’avons pas un chiffon pour protéger ni nettoyer ces abcès qui coulent et collent à notre chemise sale, les croûtes s’arrachent en marchant. C’est pitoyable. Déshabillées, nous nous faisons horreur. L’on utilise des enveloppements de papier, on graisse les pustules à la margarine, on les mûrit avec un cataplasme de rutabagas au moment de la soupe, et l’on se gratte malgré soi, sans cesse, nuit et jour… Bientôt nous sommes envahies de poux, personne n’y échappe ; celles qui travaillent à l’atelier n’ont pas un instant libre pour se les tuer. Le soir, quand on rentre après l’appel, la fatigue domine et, au dortoir, on n’a pas longtemps la lumière ; et puis il y a des lits, dans le bas, au fond, où l’on ne voit pas. Là-haut, sous la lampe électrique, plusieurs s’activent à craquer entre leurs doigts les bêtes ; au-dessous, on crie parce qu’on en reçoit dans la gamelle…
    Avec la

Weitere Kostenlose Bücher