Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
temps qu’a duré la fouille, les mains croisées sur son ventre, elle n’a cessé de fixer l’Aufseherin de ses petits yeux de paysanne rusée. Quelques petites choses lui ont bien été dérobées, mais du moins elle a réussi à conserver, dans sa ceinture, les 30 000 francs et les deux montres en or qu’elle a soustraits, avec une habileté consommée, à toutes les fouilles que lui ont fait subir les gardiennes des différentes prisons par lesquelles elle est passée.
    J’ai bien essayé, il est vrai, de lui démontrer combien il était dangereux et inutile de conserver de semblables choses à Ravensbrück, mais en vraie terrienne, elle s’obstine à garder son pécule.
    Et maintenant, elle se réjouit d’avoir gagné encore une fois.
    — Il y avait (li) parmi nous une dame âgée qui débarqua à Ravensbrück avec des bagues splendides valant deux millions. Peu désireuse de les déposer à la fouille, elle accepta de les confier à une Polonaise, par l’intermédiaire d’une jeune femme du transport, fort jolie et qui se disait du meilleur monde, mais qui, par la suite, se trouva disposée à divertir les soldats de la Wehrmacht. Vers le mois de juin, la Polonaise vint restituer les bijoux à leur propriétaire, disant qu’elle ne voulait plus assumer la responsabilité de leur garde. Au bout de quelques jours, la dame eut des soupçons sur l’authenticité de ses bagues. Elle demanda une entrevue au commandant, les bagues furent expertisées, elles étaient effectivement fausses. Un beau matin, une nuée de policières entoura le block 18, et toute sa population, valide ou non, fut emmenée devant les douches, rangée dix par dix et attendit deux heures sous un terrible soleil de juin. Je verrai toujours une des malades vomissant sans arrêt dans les bégonias du commandant ; emmenée à l’infirmerie, elle mourut le lendemain. On nous fit enfin entrer aux douches cinq par cinq : déshabillage, fouille des vêtements, fouille vaginale pratiquée sans la moindre précaution, à la suite de quoi une cinquantaine de femmes contractèrent des infections graves. Le résultat fut quasi nul : quelques menus objets sans importance. Pendant ce temps les policières vidaient le block de tout son contenu illicite : de pleins paniers à linge, chargés à craquer, émigrèrent chez le commandant. Puis l’on nous permit de rentrer : un bric-à-brac indescriptible couvrait le plancher sur vingt centimètres d’épaisseur. Le contenu des armoires et de tous les sacs avait été versé à terre, toutes les paillasses avaient été éventrées ; les costumes du prochain spectacle (un récital de chansons 1900) s’étaient envolés ; les femmes du block voisin nous racontèrent qu’elles avaient vu les Bandes Rouges danser comme des folles avec les chapeaux à panaches et les jupes à froufrous. Mais on n’avait pas retrouvé les bijoux. Dans l’après-midi, comme chacune récupérait péniblement ses affaires, la police revint et elle emmena la trop jolie intermédiaire. Le lendemain, arrestation d’une femme d’un certain âge que nul n’eût soupçonnée de quoi que ce soit. On l’emmena chez la sœur radiologue : les bagues étaient dans l’estomac de la dame. On l’enferma après purgation, avec une « aufseherin » spécialement préposée à la récupération du trésor : c’étaient bel et bien les bijoux authentiques. La receleuse (qui avait avalé les bagues au moment de la fouille), reprit sa place au block comme si de rien n’était. Sa jolie amie alla au bunker. Mais, le lendemain, tout le block 13 passait au conseil de révision. Nous n’étions plus guère décoratives, cependant les trois quarts environ furent déclarées aptes au travail en usine. Pendant huit jours, notre sort resta en balance : la police réclamait le transport comme châtiment, le commandant et le corps médical voulaient remettre le block en quarantaine. En fin de compte, on recourut à un moyen terme : cent cinquante femmes environ, dont presque toutes mes amies, partirent pour une soi-disant « biscuiterie » dans le Hanovre. Les autres, dont j’étais, continuèrent leur existence de contagieuses. Mais auparavant, on nous adjoignit trois cents Belges fraîchement débarquées. À ce moment, les avances russes et alliées contraignaient les Allemands d’évacuer les camps de l’Est et les prisons de l’Ouest. Toutes les femmes refluaient sur Ravensbrück et la surpopulation y devenait

Weitere Kostenlose Bücher