Le camp des femmes
se pavana dans le camp avec ses bottes à revers noirs, le fouet à la main.
— À dater de là, cette créature brutale et sadique devient un des rouages du mécanisme qui broyait des milliers de femmes innocentes ; en l’occurrence les femmes se montraient plus cruelles encore que les hommes. Elle frappe, à coups de bâton, à coups de pieds, à coups de fouet, du matin au soir ; elle rosse toutes les détenues sans exception parfois pour des manquements insignifiants à la discipline, parfois sans raison aucune – pour la seule « Schadenfreude (lvii) ». Elle se sert ici d’une trique, là d’un fouet, ailleurs d’une ceinture, ou encore du tampon-buvard de son bureau – tout ce qui lui tombe sous la main. Le camp tremble de terreur lorsqu’elle apparaît.
— Une fois Binz a battu une détenue jusqu’à ce qu’elle s’écroule, puis elle la piétine ; un autre jour, alors qu’elle inspectait un groupe de déportées travaillant dans la forêt, elle abat une femme d’un coup de pioche et continue à la frapper jusqu’à ce que, couverte de sang, la malheureuse ne donne plus signe de vie. Binz enfourche alors sa bicyclette et pédale jusqu’au camp.
— Elle a le droit d’envoyer des concentrationnaires dans la section disciplinaire pour un manquement minime à la discipline, quand elle ne décide pas de fustiger la victime sans autre forme de procès. Elle exécute aussi les punitions du commandant qui condamnait, de sa propre autorité, les détenues à 25, 50 ou 75 coups de trique.
— Elle bat toutes celles qui arrivent eh retard à l’appel ou les laisse au garde-à-vous pendant des heures ; elle les gifle et une gifle de Binz, ce n’est pas une plaisanterie : « C’était comme si un homme vigoureux me frappait, car le procédé était bien au point ; elle tapait si fort qu’on pouvait entendre le bruit de la gifle deux rangées plus loin », a dit une de ses victimes.
— Binz est également chargée d’administrer « les douches ». – Stanilawa Szeweczkowa, qui avait été condamnée par Ramdohr à neuf douches parce qu’elle ne s’était pas montrée docile au cours d’un interrogatoire, raconta comment Binz opérait :
« Elle m’a emmenée dans la salle de bains. Dans un coin il y a un appareil à douches ; l’eau coule déjà de canalisations débouchant à des hauteurs différentes ; elle sort sous une très, forte pression. Au bout d’une dizaine de minutes je m’écroule et Binz me lance un seau d’eau sur le visage. J’essaie de me protéger en interposant mes mains mais elle ouvre la porte et siffle ses deux chiens. L’un d’eux me mord la main. Je m’évanouis. Je suppose que j’ai été traînée jusqu’à ma cellule car j’avais le dos couvert de bleus quand j’ai repris mes sens et mes vêtements étaient éparpillés par terre… À partir de ce moment, Binz m’a donné une douche deux fois par semaine tous les mardis et les vendredis. À chaque fois je me suis évanouie. »
— Binz a un sport favori : foncer à bicyclette à travers un groupe de femmes immobiles. Elles sont si faibles qu’en général elles s’écroulent et Binz passe et repasse en riant sur les corps étendus. Elle s’amuse aussi à lancer ses chiens sur les détenues. Un jour qu’elle s’en prend à une Russe, elle excite tant et si bien l’animal à mordre qu’il déchire littéralement l’un des bras décharnés.
— L’un des plus grands plaisirs de Binz est d’aller à la baraque 10 voir les « folles » confiées à la garde de Carmen Mory. Elles constituaient une véritable attraction – on les exhibait comme des monstres dans un cirque – et Binz s’amusait à les accabler d’injures et de moqueries.
— On ne peut qu’esquisser les monstruosités commises par cette fille à Ravensbrück, du premier au dernier jour de la guerre. Elle avait été à Belsen à l’école de la fameuse Irma Grese et avait bien profité de ses leçons. Pendant plus de cinq ans elle fut la terreur des milliers de malheureuses qui tombèrent sous sa coupe : elle fut pendue à Hamelin en 1947, mais ce fut là une mort beaucoup trop douce pour elle.
— Quand (lviii) elle apparaissait quelque part, on sentait littéralement passer un vent de terreur. Elle se promenait lentement dans les rangs, sa cravache derrière le dos, cherchant de ses petits yeux méchants la femme la plus faible ou la plus effrayée, pour la rouer de coups. (Comme
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