Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
pour des kommandos différents ; elles allaient renforcer la défense de Berlin, creuser des tranchées, travailler en usine ; elles partaient à Mauthausen pour l’extermination et l’horloge ne marchait toujours pas.
    — Les Russes pourtant approchaient. Les bruits du canon, des bombardements apportaient la certitude d’une libération, mais aussi une peur affreuse d’une extermination totale.
    — Et le 2 avril 1945, l’horloge se mit à marcher, à égrener des heures d’espoir, si légères à vivre pour celles qui, pendant de longs mois, avaient vécu dans un hallucinant cauchemar. Les S.S. fuyaient, les Russes arrivaient. Ravensbrück ouvrait maintenant ses portes.
    — L’horloge sonnait des heures de joie !
    — La prédiction était réalisée (cix)  !

XXV
JANINE
    Janine Lejart est morte à Ravensbrück – la dernière morte quelques heures avant l’entrée des libérateurs.
    Janine Lejart avait dix-sept ans.
    Dix-sept ans, c’est aussi le temps que devront attendre, à Dijon, ses parents pour « savoir » exactement, totalement. Au mois de décembre 1962, ils recevaient une lettre de Belgique (cx)  :
    Chère Madame,
    … Que votre cœur de maman trouve la paix et ne souffre plus. Voici comment j’ai connu votre enfant. En mars 1945, j’étais au revier, couchée, avec à gauche Hélène Reuderer de Charenay et Paulette Mulsade de Fiers à ma droite. Le lit suivant était occupé par deux autres jeunes Françaises, dont une, toute jeune, aux cheveux très noirs et qui semblait très mal en point : c’était Janine. Sa compagne la soignait, la dorlotait, prévenait ses moindres gestes, la couvrait du mieux qu’elle pouvait.
    Je remarquai que tous les jours des compagnes valides, bravant l’interdiction d’entrer au revier, apportaient à Janine un peu de nourriture volée car c’étaient des choses qui ne ressemblaient en rien à nos menus. Un jour, grand branle-bas : les Suédois revenaient pour la seconde fois au nom de la Croix-Rouge (25 avril 1945) et pour la seconde fois des Françaises pourraient quitter Ravensbrück. Les moins malades, au prix de grands efforts, furent emmenées. La compagne de Janine était parmi les heureuses. La pauvre Janine fut prise d’un tel désespoir que je fis comprendre à Paulette et Hélène que ma place était dans le lit de Janine. Inconsolable, Janine ne me regardait pas, ne me parlait pas. Le soir, elle eut besoin de mon aide et c’est d’une voix qui se voulait très fraîche qu’elle me demanda qui j’étais. Devinant encore l’espoir en elle, je répondis :
    — « Une maman. »
    — Mais ce n’est pas cela que je vous demande. Qui êtes-vous et de quel pays ?
    — Belgique, lui dis-je.
    — Je ne veux pas de Belge, je veux une Française.
    Et les grosses larmes se remirent à couler. Quand elle eut bien pleuré, je la pris dans mes bras en lui disant :
    — Dors mon petit, je t’embrasse pour ta maman. Elle dormit toute la nuit. Pendant quelques jours elle se laissa soigner, laver. Elle acceptait la nourriture, un verre d’eau. La nourriture passait difficilement. Brusquement elle me demanda :
    — Tu es du parti ?
    — Non, lui dis-je.
    — Alors pourquoi me soignes-tu ? Pourquoi m’aimes-tu ?
    — D’abord parce que tu es ma sœur. Comme moi tu as été créée et puis j’ai des enfants, et mon cœur est vide de leur présence.
    Alors elle me raconta qu’elle habitait Dijon, elle me parla de vous, de son père, du milieu dans lequel vous viviez, de son appartenance au parti. Le soir, une compagne lui apporta un peu de riz et une jolie cuiller à café pour manger. Après deux bouchées, elle me demanda si elle était vraiment malade. Je lui dis qu’elle était simplement épuisée.
    — Eh bien ! prouve-moi que je ne suis pas malade et mange après moi.
    Et ainsi nous avons mangé. Elle la moitié de la cuiller et moi le reste. Elle rayonnait. Ce fut son dernier repas.
    Le lendemain, elle respirait très difficilement et étouffait sans cesse. Non assise mais accroupie, à cause du lit au-dessus de nous, je parvins à l’asseoir sur mes genoux. Le soir elle s’endormait en me parlant de la maison et de mes enfants, car doucement elle s’était identifiée à mes enfants.
    Le dimanche, jour suivant, elle respira encore plus mal ; elle gonflait rapidement. Une fois encore je parvins à l’asseoir sur mes genoux. Elle m’entourait de ses deux bras. La pauvre enfant étouffait, cherchant

Weitere Kostenlose Bücher