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Le Capitaine Micah Clarke

Le Capitaine Micah Clarke

Titel: Le Capitaine Micah Clarke Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arthur Conan Doyle
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doute,
Mistress
Ruth, vous
employez une grande partie de votre temps à la lecture, remarqua
Sir Gervas, je me demande si vous pouvez faire autre chose, étant
aussi loin de la Ville.
    – De la ville ? dit-elle d'un air
surpris. Est-ce que Taunton n'est point une ville.
    – Le Ciel me préserve de dire le contraire,
répondit Sir Gervas et tout particulièrement en présence d'un aussi
grand nombre de dignes bourgeois qui passent pour être assez
susceptibles en ce qui regarde l'honneur de leur cité natale. Il
n'en est pas moins vrai, belle
Mistress
, que la ville de
Londres l'emporte sur toutes les autres villes à tel point qu'on la
nomme la Ville, ainsi que je viens de le faire.
    – Elle est bien grande alors, s'écria-t-elle,
avec un joli étonnement. Mais on bâtit de nouvelles maisons à
Taunton, en dehors des anciennes murailles, et de l'autre côté de
Shuttern, et même sur l'autre bord de la rivière. Peut-être
sera-t-elle aussi grande, avec le temps.
    – Quand bien même on ajouterait toute la
population de Taunton à Londres, dit Sir Gervas, personne n'y
remarquerait le moindre accroissement.
    – Mais non, vous vous moquez de moi, s'écria
la petite provinciale. C'est contre toute raison.
    – Votre grand-père confirmera mes paroles, dit
Sir Gervas. Mais pour revenir à vos lectures, je parierais qu'il
n'y a pas une page de Scudéry et de son
Grand Cyrus
que
vous n'ayez lue. Sans nul doute vous connaissez très bien les
choses sentimentales qui se trouvent dans Cowley, dans Waller, ou
Dryden ?
    – Qui sont ces gens-là ? demanda-t-elle.
Dans quelle église prêchent-ils ?
    – Sur ma foi ! s'écria le baronnet en
riant, l'honnête John prêche dans l'église de Will Unwin, connue de
tout le monde sous la dénomination de « Chez Will », et
bien souvent deux heures du matin sonnent avant la fin de son
sermon. Mais pourquoi cette question ? Croyez-vous que nul n'a
le droit d'écrire sur du papier, à moins qu'il ne porte une robe et
n'ait grimpé dans une chaire. Je me figurais que toutes les
personnes de votre sexe avaient lu Dryden. Dites-moi, je vous prie,
quels sont vos livres favoris.
    – Il y a le
Tocsin sonné aux
Inconvertis
d'Alleine, dit-elle. C'est un ouvrage qui vous
remue, un ouvrage qui a opéré beaucoup de bien. N'avez-vous pas
ressenti des fruits abondants à sa lecture ?
    – Je n'ai point lu l'ouvrage que vous
désignez, avoua Sir Gervas.
    – Point lu ? s'écria-t-elle en levant les
sourcils. Vraiment, je croyais que tout le monde avait lu le
Tocsin
. Alors, que pensez-vous des
Combats du
Fidèle
 ?
    – Je ne l'ai point lu.
    – Ou bien des
Sermons
de
Baxter ? demanda-t-elle.
    – Je ne les ai point lus.
    – Et le
Cordial de l'Esprit
, par
Bull ?
    – Je ne l'ai point lu.
    Mistress
Ruth le regarda en ouvrant
de grands yeux, pleins d'un étonnement sincère.
    – Vous trouverez peut-être qu'en parlant ainsi
je manque d'éducation, mais je ne puis m'empêcher d'être surprise.
Où donc avez-vous été ? Qu'avez-vous fait pendant toute votre
vie ? Mais voyons, les enfants des rues eux-mêmes ont lu ces
livres.
    – La vérité, c'est que des ouvrages de cette
sorte ne se rencontrent guère sur notre chemin, à Londres, répondit
Sir Gervas. Une pièce de Georges Etheredge, des bouts-rimés de Sir
John Suckling sont choses plus légères, bien qu'elles soient
peut-être moins nourrissantes pour l'esprit. À Londres, on peut se
tenir au fait de ce qui se passe dans le monde des lettres, sans
avoir beaucoup de lectures à faire, car sans parler des commérages
des cafés et des nouvelles à la main qu'on rencontre sur sa route,
il y a les bavardages des poètes et les beaux-esprits dans les
assemblées, puis de temps en temps, peut-être une soirée ou deux
dans la semaine, le théâtre, avec Vanbrugh ou Farquhar. Ainsi on ne
fausse pas longtemps compagnie aux Muses. Puis, après la pièce, si
l'on se sent disposé à tenter la fortune au tapis-vert chez Groom
Porter, on peut aller faire un tour au « Cocotier » si
l'on est Tory, ou à Saint-James, si l'on est un Whig. Il y a dix
contre un à parier que la conversation tournera sur la façon de
composer des alcaïques, ou sur la rivalité entre le vers blanc et
le vers rimé. Puis, après un arrière-souper, on s'en ira chez Will
ou chez Slaughter où l'on trouvera le vieux John, ainsi que
Tickell, Congrève, et le reste de la troupe, en train de travailler
ferme sur les unités dramatiques, ou sur la justice

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