Le Capitaine Micah Clarke
magistrat, est venu
ici et a fait des menaces à votre père et à d'autres, mais il ne
peut faire grand-chose faute de preuves.
« L'Église et les Dissenters se prennent
à la gorge, comme toujours.
« Vraiment l'austère Loi de Moïse règne
plus longtemps que les douces paroles du Christ.
« Adieu, mon cher garçon, recevez les
meilleurs souhaits de votre ami à la tête grisonnante.
« ZACHARIE PALMER »
– Corbleu ! s'écria Sir Gervas, pendant
que je repliais la lettre, j'ai entendu Stillingfleet et Tenison,
mais je n'ai jamais écouté un meilleur sermon. Celui-là, c'est un
évêque déguisé en charpentier. Mais voyons notre ami le marin.
Est-ce un théologien en droit, un docteur en droit canon parmi les
loups de mer ?
– Salomon Sprent est un personnage tout
différent, bien qu'il soit fort bon en son genre, dis-je, mais vous
allez juger de lui par sa lettre.
– Maître Clarke.
« La dernière fois que nous fûmes de
compagnie, j'ai couru sous les batteries, en service d'enlèvement,
pendant que vous restiez au large et attendiez les signaux.
« M'étant arrêté pour me radouber et
passer l'examen de ma prise, qui s'est trouvée être en bonne
condition pour le gréement et la charpente…
– Que diable veut-il dire ? demanda Sir
Gervas.
– C'est d'une demoiselle qu'il parle, Phébé
Dawson, la sœur du forgeron. Il est resté pendant plus de quarante
ans presque sans mettre le pied sur la terre ferme. Aussi
s'exprime-t-il en ce jargon maritime, tout en s'imaginant qu'il
parle un anglais aussi pur que n'importe qui dans le Hampshire.
– Alors, continuez, dit le baronnet.
« Lui ayant lu les règlements de guerre,
je lui ai expliqué les conditions d'après lesquelles nous devions
naviguer de conserve dans le voyage de la vie, savoir :
« Premièrement : elle obéira aux signaux
sans faire de questions, dès qu'ils seront reçus.
« Deuxièmement : elle gouvernera d'après
mon calcul.
« Troisièmement : elle me soutiendra en
fidèle navire de conserve, qu'il fasse mauvais temps, ou dans la
bataille, ou dans le naufrage.
« Quatrièmement : elle se mettra à l'abri
sous mes canons, en cas d’attaque par des bandits, corsaires, ou
garde-côtes.
« Cinquièmement : j'aurai à la tenir en
bon état, à la mettre en cale sèche de temps en temps, et pourvoir
à ce qu'elle soit bien repeinte, approvisionné de parois,
d'étamine, ainsi qu'il convient pour un coquet navire
d'agrément.
« Sixièmement : je m'interdirai de
prendre à la remorque aucun autre bateau, et s'il s'en trouve un
qui me soit amarré présentement, je couperai les aussières.
« Septièmement : je devrai la ravitailler
chaque jour.
« Huitièmement : si par hasard elle
venait à avoir une voie d'eau, ou à se trouver échouée et
prisonnière dans un banc de sable, j'aurai à la soutenir, la vider
avec la pompe, et la redresser.
« Neuvièmement : arborer le pavillon
protestant à la pomme du grand mât pendant la traversée de la vie,
et tracer notre route vers le grand port, avec l'espoir de
rencontrer un amarrage et un fond propre à jeter l'ancre, pour deux
navires de construction anglaise, quand ils seront désarmés pour
l'éternité.
« Le huitième coup du quart de midi
allait sonner quand ces articles ont été signés et scellés.
« Ensuite, lorsque j'ai piqué sur vous,
je n'ai pas seulement aperçu le bout de notre hunier.
« Bientôt après, j'ai appris que vous
étiez parti pour servir comme soldat, en compagnie de ce bâtiment
efflanqué, dégingandé, aux longs espars, à la mine de corsaire, que
j'avais vu quelques jours auparavant dans le village.
« Je trouve que vous ne vous êtes pas
trop bien conduit envers moi, en partant sans même me saluer de
votre pavillon.
« Mais peut-être que la marée était
favorable, et que vous ne pouviez pas attendre.
« Si je n'avais pas été affligé d'un mât
de fortune, un de mes espars coupé, j'aurais eu le plus grand
plaisir à ceindre mon sabre d'abordage et à sentir encore la poudre
à canon.
« Et je le ferais encore, malgré ma patte
de bois et le reste, sans mon vaisseau compagnon, qui pourrait se
plaindre de la violation du contrat et dès lors s'esquiver.
« Il faut que je suive le feu de sa poupe
jusqu'au jour où nous serons légalement unis.
« Adieu, matelot !
« Dans l'action, suivez le conseil d'un
vieux marin, gardez la position du vent, et à l'abordage !
« Dites cela à votre
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