Le Capitaine Micah Clarke
trahison, de fauteur de
trahison, de vagabond et d'individu sans maître aux termes du
quatrième statut de l'Acte. En ma qualité de représentant de la
loi, je vous somme de vous soumettre à mon mandat.
– Fermez-lui la gueule avec votre écharpe,
Jim, dit Murgatroyd. Quand Venables viendra, il trouvera bientôt le
moyen d'enrayer son débit… Oui, reprit-il, en examinant le verso de
mes papiers, il y est écrit : « De la part de Jacques II
d'Angleterre, connu jusqu'à ce jour sous le nom de Duc de Monmouth,
à Henri, Duc de Beaufort, Président de Galles, par les mains du
capitaine Micah Clarke, du régiment d'infanterie du comté de Wilts,
du colonel Saxon. » Enlevez les cordes, Dicon. Ainsi donc,
Capitaine, vous voici redevenu libre, et je suis fâché que nous
vous ayons maltraité sans le savoir. Nous sommes du premier au
dernier, de bons Luthériens, et plus disposés à vous aider qu'à
vous entraver dans votre mission.
– Ne pourrions-nous pas en effet l'aider à
faire son voyage ? dit le lieutenant Silas. Pour mon compte,
je ne craindrais pas de mouiller ma jaquette ou de barbouiller ma
main de goudron en faveur de la cause, et je suis certain que vous
êtes tous dans les mêmes dispositions que moi. Maintenant, avec
cette brise, nous pourrions pousser jusqu'à Bristol et débarquer le
capitaine, le matin. Cela lui éviterait le danger d'être saisi au
vol, par quelqu'un des requins de terre qui sont sur la route.
– Oui, oui, s'écria le grand John, la
cavalerie du Roi bat le pays jusqu'au delà de Weston, mais il
pourrait leur brûler la politesse, s'il était à bord de la
Maria
.
– Bon, dit Murgatroyd, nous pourrions être de
retour en trois longues bordées. Venables aura besoin d'un jour ou
deux pour débarquer ses marchandises. Si nous devons naviguer de
compagnie, nous aurons du temps de reste. Ce plan vous
arrangera-t-il, capitaine ?
– Mon cheval, objectai-je.
– Il ne faut pas que cela nous arrête. Je peux
gréer une écurie confortable avec mes espars de rechange et du
grillage. Le vent est tombé. Le lougre pourrait être amené à la
côte de l'Homme Mort, et on y ferait entrer le cheval. Courez chez
le vieux père, Jim, et vous, Silas, occupez-vous du bateau. Voici
de la viande froide, capitaine, et du biscuit – l'ordinaire du
marin – avec un verre de vrai Jamaïque pour les faire descendre, et
vous ne devez pas avoir l'estomac trop délicat pour des mets
grossiers.
Je m'assis sur un baril près du feu et étirai
mes membres raidis et engourdis par leur immobilité pendant qu'un
des marins lavait la coupure de ma tête avec un mouchoir mouillé et
qu'un autre mettait de la nourriture sur une caisse devant moi.
Le reste de la bande s'était rendu à l'entrée
de la caverne pour mettre le lougre en état, à l'exception de deux
ou trois qui gardaient l'infortuné employé de l'Excise.
Il était assis le dos contre la paroi de la
caverne, les bras croisés sur sa poitrine, jetant de temps à autre
sur les contrebandiers des regards menaçants, tels qu'un vieux
mâtin plein de courage en jetterait à une meute de loups qui
l'auraient terrassé.
Je me demandais intérieurement s'il ne serait
pas possible de tenter quelque chose pour le tirer d'affaire, quand
Murgatroyd survint, et plongeant une tasse de fer blanc dans le
baril de rhum défoncé, la vida au succès de ma mission.
– J'enverrai Silas Bolitho avec vous, dit-il,
pendant que je resterai ici à attendre Venables, qui commande mon
navire compagnon. Si je puis faire quelque chose pour vous faire
oublier ce mauvais traitement…
– Une seule chose, dis-je avec vivacité. C'est
autant, ou plus encore pour vous que pour moi, que je vous le
demande. Ne laissez pas tuer ce malheureux.
La figure de Murgatroyd s'empourpra de
colère.
– Vous avez le langage franc, dit-il. Ce n'est
point un meurtre, mais un acte de justice. Quel mal faisons-nous
ici ? Il n'y a pas dans tout le pays une seule vieille
ménagère qui ne nous bénisse. Où achètera-t-elle son souchong, ou
son eau-de-vie, si ce n'est chez nous ? Nous demandons un
faible profit, et n'imposons nos marchandises à personne. Nous
sommes de paisibles commerçants. Et pourtant cet homme et ses
pareils sont sans cesse à aboyer sur nos talons. On dirait des
chiens marins après un banc de morues. Nous avons été harcelés,
pourchassés. Nous avons reçu des balles, au point qu'il nous a
fallu chercher un abri dans des cavernes comme celle-ci. Il y a
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